Dans une lettre ouverte adressée à Abdelmadjid Tebboune, un professeur d’université remet en cause le discours triomphaliste sur le classement QS 2026. Il accuse le ministère de l’Enseignement supérieur d’avoir transformé un simple gain quantitatif en victoire académique, révélant selon lui les limites d’une communication officielle en quête de prestige.
C’est une mise au point rare, adressée directement au sommet de l’État. Dans une lettre ouverte au président Abdelmadjid Tebboune, datée du 18 octobre, le professeur Alioua Ali, enseignant-chercheur, dénonce les « confusions médiatiques » entourant la présentation du classement QS 2026 des universités arabes.
Le ton, respectueux mais ferme, tranche avec la rhétorique triomphale de certains communiqués officiels. « Le patriotisme et la responsabilité scientifique m’ont poussé à vous adresser cet avertissement objectif », écrit-il d’emblée, avant de pointer « une récurrence d’erreurs dans le discours officiel » sur la prétendue première place de l’Algérie dans ce classement.
Selon les chiffres publiés par l’organisme britannique QS (Quacquarelli Symonds), l’Algérie est effectivement le pays arabe comptant le plus grand nombre d’universités classées : quarante-six en 2026, contre dix-sept en 2025. Mais l’auteur rappelle que ce « succès » est d’ordre statistique, non académique. « Ce premier rang ne concerne pas la qualité ou la performance, mais uniquement le nombre d’institutions incluses », précise-t-il.
Une lecture sélective des données
Le ministère de l’Enseignement supérieur a présenté ces chiffres comme la preuve du “leadership académique” de l’Algérie. Or, souligne M. Ali, aucune université du pays ne figure parmi les dix premières du monde arabe. La mieux classée, l’Université Badji Mokhtar d’Annaba, se situe dans la fourchette 161–170. « Dire que l’Algérie est première selon QS est exact numériquement, mais faux dans l’interprétation », insiste-t-il.
L’universitaire s’inquiète surtout du décalage entre communication politique et réalité scientifique : « L’utilisation de données académiques dans des contextes médiatiques ou politiques nuit plus qu’elle ne sert, car la crédibilité scientifique repose sur la transparence, non sur l’exagération. »

Une alerte sur la crédibilité académique
Ce rappel à la rigueur intervient alors que le gouvernement présente la réforme de l’enseignement supérieur comme un axe central de sa politique de modernisation. En s’appuyant sur un ton analytique, M. Ali replace le débat sur un terrain institutionnel : « La véritable réforme repose sur l’amélioration des indicateurs qualitatifs -publication scientifique, formation, gouvernance- et non sur la célébration du quantitatif. »
Enfin, l’universitaire invite à corriger les dérives d’interprétation sans renier les progrès accomplis. L’élargissement du nombre d’universités prises en compte, souligne-t-il, est « un signe d’ouverture administrative et statistique », mais ne saurait être confondu avec une ascension académique.
Une lettre sobre dans la forme, mais qui, dans le fond, s’apparente à un avertissement : l’université algérienne a besoin de reconnaissance, non de surenchère.