Lancée à l’initiative du président Abdelmadjid Tebboune, l’opération de recensement économique, désormais entrée dans sa phase d’analyse, vise à actualiser la cartographie du tissu productif national. Le ministre du Commerce intérieur, Taieb Zitouni, en a annoncé récemment le traitement des données.
Mais au-delà du recensement en tant que tel, une question centrale se pose : comment cet exercice statistique peut-il mieux capter un secteur informel qui continue de peser lourdement sur l’économie algérienne sans pour autant apparaître dans ses comptes ?
L’informel, masse grise de l’économie
Selon plusieurs études économiques, le secteur informel représenterait environ 30 % du PIB hors hydrocarbures en Algérie. Une masse d’activités — commerce non enregistré, services à domicile, sous-traitance artisanale, agriculture de subsistance — qui échappent au fisc, à la sécurité sociale, mais aussi aux instruments de mesure de l’économie.
Or, un recensement économique, s’il repose principalement sur des déclarations volontaires, a peu de chances de capter l’ensemble de cette réalité. L’expérience du recensement général de l’agriculture (RGA) de 2020 en est un exemple marquant : les données recueillies avaient révélé un cheptel ovin inférieur de près de 10 millions de têtes aux chiffres jusque-là communiqués par les autorités, provoquant un choc dans les milieux agricoles et illustrant les écarts statistiques parfois considérables entre perception administrative et réalité économique.
Croiser les données pour élargir le champ de vision
Pour éviter que le recensement économique actuel ne reproduise les mêmes angles morts, des méthodes alternatives peuvent être mobilisées. Le croisement de sources indirectes est l’une des pistes les plus prometteuses. La consommation d’électricité, les flux de télécommunications, les mouvements de marchandises, ou encore les paiements électroniques peuvent servir à estimer une activité économique non déclarée sur un territoire donné.
D’autres pays confrontés à une forte informalité économique ont renforcé leur comptabilité nationale en combinant enquêtes directes et indicateurs alternatifs. L’Égypte, dont le tissu productif informel est proche de celui de l’Algérie, a investi dans l’utilisation de données administratives croisées et de modèles d’estimation indirecte pour mieux calibrer ses comptes nationaux. Si les résultats sont encore partiels, cette approche lui a permis d’améliorer la lisibilité de son économie réelle sans dépendre uniquement des déclarations volontaires.
Une transparence encore à construire
Pour l’Algérie, la réussite du recensement économique dépendra moins de sa dimension logistique que de sa capacité à s’intégrer dans une dynamique plus large : rénovation du système statistique, ouverture des données, et reconnaissance officielle de l’existence structurante de l’informel.
Il ne s’agit pas d’idéaliser un secteur souvent précaire, mais de cesser de l’ignorer dans les politiques publiques. Tant que ses contours resteront flous, les marges de manœuvre économiques du pays resteront elles aussi incertaines.

Maghreb Emergent avec ChatGpt