Sur les réseaux sociaux, de nombreux appels ont été lancés pour l’attribution du prix Nobel de la paix à Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU sur les territoires palestiniens occupés. Sa parole de vérité à un prix: des sanctions américaines qui la considèrent comme « une menace pour l’économie mondiale. Son « crime » : avoir qualifié la guerre d’extermination menée contre Gaza de génocide.
À la suite de l’Executive Order 14203, émis en février par l’administration Trump, le secrétaire d’État Marco Rubio a annoncé des mesures punitives inédites : gel de ses avoirs aux États-Unis, interdiction d’entrée sur le territoire américain et prohibition pour toute personne ou institution américaine d’avoir des relations financières avec elle.
Dans un entretien à l’Espresso, Albanese témoigne des conséquences de ce blocus personnel : « Ne pouvant pas ouvrir de compte bancaire, je ne peux pratiquement rien faire. De retour à Naples pour raisons familiales, je n’ai même pas pu louer une voiture faute de carte de crédit. Je suis contrainte de circuler uniquement avec du liquide. C’est une punition, une persécution. »
Sans soutien de Rome
Face à cette attaque, le gouvernement de Giorgia Meloni reste silencieux. « Personne du gouvernement ne m’a appelée pour me témoigner de la solidarité. D’autres gouvernements l’ont fait, mais pas l’Italie. (…) Dans un État constitutionnel, on s’attend à ce que les institutions réagissent à une mesure sans précédent comme celle-ci. J’espère que les Italiens se rendront compte de ce qui est en train de se passer dans ce pays. » Ainsi, une citoyenne italienne, victime d’une sanction arbitraire étrangère, est laissée seule.
Une criminalisation délirante
Officiellement, Washington considère Albanese comme « une menace pour l’économie mondiale ». Une criminalisation absurde, qui place dans l’illégalité toute personne lui venant en aide. « Cela signifie, par exemple, que ma fille est techniquement passible d’arrestation pour m’avoir offert un café », ironise-t-elle. Ce climat de peur vise moins une personne qu’un symbole : faire taire une juriste qui rappelle que le droit international s’applique aussi aux alliés des États-Unis.
Meloni promet des garanties de sécurité aux militants italiens de la « Global Sumud Flotilla » en route pour Gaza. Albanese dénonce cette hypocrisie : « Que veut dire donner des garanties ? La première protection qu’un gouvernement devrait assurer, c’est d’envoyer ses propres navires pour briser le blocus. C’est une obligation légale, au titre de la prévention du génocide. »
Protéger des civils tout en refusant d’assumer les devoirs internationaux de l’Italie revient à un double langage honteux. « Israël n’a aucun droit d’intercepter des bateaux dans les eaux de la Méditerranée ou de Gaza, car c’est une puissance occupante illégale », rappelle-t-elle.
Une attaque contre l’ONU et la justice internationale
« L’attaque contre moi n’est pas seulement une attaque personnelle, c’est une attaque contre les Nations unies », insiste Albanese. Amnesty International a dénoncé « un affront honteux à la justice internationale ». Plus de 50 ONG, dont l’Electronic Frontier Foundation, exigent la levée de sanctions jugées « excessives et injustifiées ».
Francesca Albanese vit aujourd’hui comme une paria financière. Mais son cas dépasse sa personne : il incarne la volonté des États-Unis d’étrangler toute voix qui ose qualifier de génocide l’extermination en cours à Gaza. « J’espère que les Italiens se rendront compte de ce qui est en train de se passer dans ce pays », avertit Albanese.