Voyages obligatoires à l’étranger, financement par le marché noir des devises, exclusion des PME : le nouveau décret sur la micro-importation accumule les obstacles. Le think tank CARE dénonce un texte qui transforme une belle intention en parcours du combattant pour les entrepreneurs algériens.
Le Cercle d’Action et de Réflexion autour de l’Entreprise (CARE), think tank algérien de référence, a rendu public son analyse du décret exécutif n° 25-170 encadrant le commerce du cabas ou micro-importation. Si l’organisation salue la reconnaissance légale de cette activité économique déjà répandue, elle formule des critiques sévères sur les modalités d’application qui risquent de transformer cette opportunité en carcan bureaucratique.
L’obligation imposée aux micro-importateurs d’effectuer des déplacements physiques à l’étranger deux fois par mois constitue le premier écueil identifié. Cette exigence génère des coûts prohibitifs et exclut de facto une large partie de la population qui ne dispose pas des moyens financiers ou des facilités de visa nécessaires. Le CARE préconise d’autoriser la commande à distance, une approche plus moderne et inclusive qui démocratiserait l’accès à cette activité.
Cette approche restrictive se double d’une contradiction économique préoccupante : les micro-importateurs devront financer leurs achats avec leurs propres devises, sans accès au marché officiel des changes. Cette disposition pousse mécaniquement ces nouveaux entrepreneurs vers le marché parallèle, contredisant les efforts gouvernementaux de lutte contre l’économie informelle. L’allocation d’un quota de change officiel et contrôlé permettrait de résoudre cette équation et d’ancrer véritablement l’activité dans le secteur formel.
Une vision étriquée de l’entrepreneuriat
Le décret révèle également une vision restrictive de l’entrepreneuriat en excluant les PME et TPE formelles du dispositif. Ces entreprises, qui peinent souvent à s’approvisionner en intrants essentiels, pourraient pourtant bénéficier de la création d’un département de micro-importation. Cette exclusion représente une opportunité manquée de dynamiser la production locale et de résoudre les problèmes d’approvisionnement que rencontrent de nombreuses structures algériennes.
Le régime fiscal avantageux proposé – droits de douane réduits, comptabilité simplifiée, imposition à 0,5% – constitue certes une avancée, mais son caractère exclusif limite son impact. Étendre ces avantages aux coopératives, aux jeunes entreprises ou aux producteurs locaux amplifierait considérablement les retombées positives sur l’économie nationale.
Incohérences juridiques et pesanteurs administratives
L’analyse du CARE révèle une incohérence juridique flagrante : le plafond de chiffre d’affaires autorisé pour les micro-importateurs (43,2 millions de dinars annuels) dépasse largement le seuil légal de 5 millions de dinars fixé pour les auto-entrepreneurs par la Loi de finances 2023. Cette contradiction nécessite une harmonisation législative préalable pour éviter tout vide juridique.
L’exigence d’une « autorisation générale » délivrée par le ministère du Commerce extérieur et la déclaration préalable des marchandises sur une plateforme numérique ajoutent des couches administratives dont la pertinence reste questionnable. Ces procédures risquent de recréer les lourdeurs bureaucratiques que le dispositif était censé simplifier. La base de données douanière existante pourrait suffire pour assurer le suivi et le contrôle nécessaires.
Le CARE appelle donc à une révision approfondie du texte pour qu’il réponde véritablement aux besoins de l’économie algérienne de 2025. L’objectif doit être de faciliter l’accès aux biens pour les citoyens et les entreprises, non de les contraindre à perpétuer des pratiques informelles par excès de rigidité administrative. Cette réforme de la micro-importation pourrait devenir un levier de modernisation économique, à condition de privilégier la pragmatisme sur la bureaucratie.