M A G H R E B

E M E R G E N T

Actualités

Conflit Iran-Israël : fermeture du détroit d’Ormuz, quel scénario pour l’Algérie ?

Par Yasser K 16 juin 2025
Photo du golfe Persique et du détroit d'Ormuz prise en septembre 2018 par le satellite Copernicus. ©ESA

Les menaces iraniennes de fermeture du détroit d’Ormuz résonnent jusqu’à Alger. Depuis le 13 juin, les déclarations du député Sardar Esmail Kowsari, affirmant que la fermeture du détroit était « à l’étude », ont provoqué un séisme sur les marchés énergétiques mondiaux. Cette artère maritime, qui canalise près de 20% du pétrole mondial, cristallise aujourd’hui les tensions géopolitiques entre l’Iran et Israël. Pour l’Algérie, dixième producteur mondial de pétrole, cette crise potentielle dessine un horizon à double tranchant.

L’hypothèse d’un blocage du détroit d’Ormuz transformerait radicalement la donne énergétique mondiale. Selon les analyses de Bloomberg, Marcus Garvey, responsable de la stratégie matières premières chez Macquarie, envisage un scénario où « même si ce n’est que très temporairement, le prix du pétrole pourrait par exemple dépasser 200 dollars le baril ». Cette perspective, qualifiée d’extrême par l’analyste, reflète néanmoins la sensibilité du marché aux moindres perturbations dans cette zone stratégique.

En effet, 20 à 30% du pétrole mondial transite par ce goulot d’étranglement, incluant 85% des exportations irakiennes et la totalité de celles du Koweït, d’Oman et du Qatar. Les réactions immédiates des marchés, avec des hausses de 10 à 13% après les récentes frappes, confirment cette vulnérabilité structurelle de l’approvisionnement énergétique mondial.

Une aubaine financière aux multiples facettes

Pour l’Algérie, cette crise représenterait paradoxalement une opportunité économique sans précédent. Le pays tire 93% de ses revenus en devises des hydrocarbures, faisant de toute hausse des prix un levier direct d’enrichissement des caisses de l’État. Sonatrach, la compagnie nationale, pourrait ainsi renégocier ses contrats dans un contexte où les prix du gaz naturel liquéfié pourraient tripler.

Cette manne financière inattendue arriverait à point nommé pour un pays confronté à des défis budgétaires persistants. Les réserves de changes algériennes, sous pression depuis plusieurs années, bénéficieraient d’un apport substantiel, offrant à l’État une marge de manœuvre financière élargie pour ses projets d’investissement et ses programmes sociaux.

L’avantage géographique de l’Algérie joue également en sa faveur. Contrairement aux producteurs du Golfe Persique, l’Algérie exporte principalement via ses ports méditerranéens d’Arzew et de Skikda. Cette configuration la protège mécaniquement des perturbations affectant le détroit d’Ormuz, lui conférant un avantage concurrentiel temporaire sur ses concurrents du Moyen-Orient.

Les risques d’une dépendance renforcée

Cette prospérité soudaine pourrait toutefois masquer des fragilités structurelles. Une forte hausse des revenus pétroliers risque de retarder les réformes économiques indispensables à la diversification de l’économie algérienne. Le syndrome hollandais, cette maladie économique qui frappe les pays trop dépendants de leurs ressources naturelles, pourrait s’accentuer si l’Algérie cède à la facilité des pétrodollars.

L’instabilité régionale générée par une escalade au Moyen-Orient affecterait inévitablement les partenariats énergétiques de l’Algérie, notamment avec l’Europe. Les pays européens, confrontés à une crise énergétique d’ampleur, pourraient accélérer leur transition vers les énergies renouvelables, réduisant structurellement leur demande en hydrocarbures. Cette réaction, bien qu’atténuant temporairement la crise, compromettrait les débouchés à long terme de l’Algérie.

La question des capacités de production se pose également. Si l’Algérie dispose théoriquement de marges de manœuvre pour augmenter sa production, les infrastructures vieillissantes et les sous-investissements chroniques limitent sa capacité à répondre rapidement à une demande accrue. Cette contrainte technique pourrait l’empêcher de capitaliser pleinement sur l’opportunité de marché.

Une fermeture du détroit d’Ormuz placerait l’Algérie dans une position ambivalente. Bénéficiaire à court terme d’une hausse exceptionnelle des cours, le pays devrait simultanément gérer les conséquences géopolitiques d’une crise qui redéfinirait les équilibres énergétiques mondiaux.

ARTICLES SIMILAIRES

Actualités

Algérie : l’euro grimpe de 0,72 % sur le marché noir en une seule journée

L’euro a enregistré une hausse sensible face au dinar algérien sur le marché noir des devises. En une seule journée, la monnaie européenne a progressé de 0,72 %, mettant fin… Lire Plus

Actualités Energie

À quelques jours de 2026, le Brent bute sur le plafond des 63 dollars

Le baril de pétrole Brent coté à Londres s’affiche à 62,44 dollars ce mercredi en milieu de journée, en léger recul de 0,02 %. Une quasi-stabilité qui masque mal les… Lire Plus

Actualités Finances

Bourse d’Alger : la SGBV plafonne les écarts de cotation à 5-10%

La SGBV plafonne les variations à 5-10% pour Alliance, Aurasiabank et les autres banques cotées le 23 décembre, selon un avis publié le 21. Le 21 décembre, la Société de… Lire Plus

Actualités Économie

Algérie : 16 silos en projet pour sécuriser neuf mois de consommation céréalière

L’Algérie mise sur le stockage pour réduire sa vulnérabilité face aux fluctuations des marchés internationaux. Seize silos destinés à l’Office algérien interprofessionnel des céréales doivent être livrés avant la fin… Lire Plus

Actualités Économie

AAPI : 24 projets d’investissement approuvés par jour, combien aboutissent ?

Plus de 19 000 projets d’investissement approuvés depuis novembre 2022 pour un montant total de 61 milliards de dollars. Les chiffres communiqués par l’Agence algérienne de promotion des investissements (AAPI)… Lire Plus