Deux ans après le 11e congrès du FLN et quelques mois à peine après l’élection présidentielle, le vieux parti entre à nouveau dans une zone de fortes turbulences. Une instance de coordination nationale pour la sauvegarde du parti vient d’être mise sur pied.
Cette initiative, annoncée il y a quelques jours, est portée par une trentaine de militants venus de plusieurs wilayas du pays. Elle est coordonnée par Kaci Abdelkader, ancien sénateur et membre du comité central du FLN. Son objectif : « sauver le parti de la situation catastrophique dans laquelle il ploie », a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.
Selon Kaci Abdelkader, cette instance n’est pas « l’apanage de ses initiateurs ». Elle est ouverte à « toute opposition, quelle que soit sa tendance », à condition de vouloir participer à un redressement collectif du parti. Parmi les principaux reproches adressés à la direction actuelle, dirigée par Abdelkrim Benmbarek, élu lors du congrès de 2023 : un « discours indigent », des « dérives » jugées dangereuses, ainsi que la « violation » des statuts et du règlement intérieur.
Les contestataires exigent la tenue d’un congrès extraordinaire, la révision de la composition du bureau politique et l’arrêt immédiat de la restructuration en cours.
Un parti miné par les crises internes
Le FLN n’en est pas à sa première secousse. Depuis le fameux « coup d’État scientifique » contre Abdelhamid Mehri à la fin des années 1990 — l’un des rares à vouloir une autonomie réelle du parti —, le FLN vit au rythme des crises.
La plus marquante reste sans doute celle de 2003, lorsque Ali Benflis, alors secrétaire général, tente d’imposer une ligne autonome vis-à-vis du président Abdelaziz Bouteflika. Son congrès est invalidé par la justice, des affrontements éclatent, et est finalement écarté du gouvernement. Le FLN, lui, y perd encore un peu plus de sa crédibilité.
Une succession de règlements de comptes
En 2013, c’est au tour de Abdelaziz Belkhadem d’être éjecté. Accusé de servir des ambitions personnelles, il est limogé sans successeur désigné. Le parti reste alors sans direction pendant plusieurs mois, avant qu’Amar Saïdani, avec le soutien de Saïd Bouteflika, soit parachuté à la tête du FLN. Il ouvre un nouveau chapitre en s’en prenant frontalement au puissant chef des renseignements, le général Mohamed Médiène.
Cette rupture avec les traditions de la loi de « l’omerta »marque un tournant, mais finit par provoquer sa chute. En 2016, il est poussé vers la sortie, remplacé par Djamel Ould Abbes, dont le soutien au cinquième mandat de Bouteflika ne fera que creuser les divisions.
Du Hirak à l’effacement progressif
Arrive le Hirak de 2019 qui « renverse la table » et réclame rien que moins que la dissolution pure et simple du FLN. Plusieurs de ses dirigeants, comme Mohamed Djemai, finissent en prison. Le parti est alors en pleine déliquescence, sans direction claire ni légitimité. Le soutien à Azzedine Mihoubi, candidat du RND lors de la présidentielle de 2019, sera un nouveau coup porté à son image.
Le président Abdelmadjid Tebboune, dès son arrivée au pouvoir, choisit de s’appuyer sur la société civile, reléguant le FLN à une position secondaire. Si le parti conserve un certain poids, c’est surtout grâce à des relais dans l’administration et des réseaux informels.Malgré l’érosion de son influence, le FLN reste, en nombre, la première force politique du pays. Mais il semble avoir perdu sa boussole idéologique, dans un contexte de crise du nationalisme algérien et de désaffection populaire. Le nouveau mouvement de redressement peut apparaître dès lors comme une opération de survie, face à une gouvernance défaillante.
Vers une survie ou un naufrage définitif ?
Difficile de dire aujourd’hui si ce mouvement parviendra à mobiliser les bases ou à peser politiquement. Le contexte national, marqué par le désenchantement post-Hirak, les mutations géopolitiques régionales et la rupture de confiance de la population, ne jouent pas en faveur d’un renouveau du parti.
Reste cette question, posée jadis par Mohamed Boudiaf : le FLN ne devrait-il pas tout simplement être envoyé au musée ? À l’heure où une nouvelle crise éclate, le parti survivra-t-il à cette énième bourrasque ?