L’Algérie figure parmi les plus gros consommateurs de sucre en Afrique du Nord. Selon l’organisation algérienne de la protection des consommateurs (APOCE), la consommation moyenne de sucre par habitant en Algérie est d’environ 24 kg par an.
Un chiffre qui dépasse de loin les recommandations de l’organisation mondiale de la santé (OMS) qui préconise de ne pas dépasser 25 g de sucre ajouté par jour, soit environ 9 kg par an.
Rien qu’en 2022, 3,517 milliards de litres de liquides sucrés ont été consommés en Algérie, selon l’APOCE. Cette surconsommation place l’Algérie au quatrième rang mondial des importateurs de sucre, avec une quantité estimée à 2,5 millions de tonnes par an. Elle est en grande partie liée, selon les spécialistes, aux habitudes alimentaires ancrées dans la société algérienne : le thé fortement sucré, les pâtisseries traditionnelles riches en sucre et en matières grasses, ainsi que la popularité des boissons gazeuses et des jus industriels.
« Bien que le sucre soit naturellement présent dans de nombreux aliments tels que le pain, les fruits, le lait et certains légumes, le véritable problème réside dans le sucre ajouté présent dans : les boissons gazeuses et jus artificiels, les bonbons et pâtisseries et autres produits manufacturés et en conserve », relève l’APOCE.
Une production nationale limitée et une forte dépendance aux importations
Malgré les tentatives de relance de la production locale de sucre, notamment à travers des projets d’usines de raffinage, l’Algérie reste dépendante des importations. Le sucre brut est principalement importé du Brésil et de l’Inde, puis raffiné localement. Des entreprises comme Cevital ou La Belle jouent un rôle central dans la transformation du sucre brut en produits commercialisables.
Le coût de ces importations pèse sur la balance commerciale, surtout dans un contexte de volatilité des prix internationaux et de pression sur les réserves de change. Cela rend la question du sucre non seulement un enjeu sanitaire mais aussi économique et stratégique.
Des conséquences graves sur la santé publique
La consommation excessive de sucre est aujourd’hui l’un des facteurs majeurs de l’explosion des maladies non transmissibles (MNT) en Algérie. On observe :
Une augmentation du diabète : près de 15% de la population adulte serait touchée, selon des estimations du ministère de la Santé. Une hausse préoccupante de l’obésité, y compris chez les enfants, en lien avec la sédentarité et une alimentation trop sucrée. Une corrélation avec les maladies cardiovasculaires, les caries dentaires, et certaines formes de cancer.
Politiques publiques encore timides
Face à ces défis, les politiques publiques peinent à s’imposer. Des campagnes de sensibilisation existent, mais elles restent sporadiques et peu visibles. Il n’y a pas encore de taxation spécifique sur les produits sucrés, contrairement à d’autres pays comme le Maroc ou l’Arabie saoudite qui ont déjà instauré une taxe sur les boissons sucrées. Les experts plaident pour une stratégie nationale intégrée, incluant : La réglementation de la publicité alimentaire ciblant les enfants, l’étiquetage nutritionnel clair sur les produits emballés, la promotion de régimes alimentaires équilibrés à travers l’école, les médias et le système de santé. Dans ce contexte, l’APOCE livre quelques conseils pour réduire la consommation de sucre : « Lecture attentive des étiquettes des aliments et vérification de la teneur en sucre des produits », « réduction de la consommation de boissons gazeuses et de jus prêts à l’emploi », « choisir des fruits frais plutôt que des bonbons artificiels », «Préparation de repas à la maison pour contrôler la quantité de sucre ajouté » et «éviter d’acheter des produits qui contiennent du « sucre ajouté », du « sirop de maïs à haute teneur en fructose » ou du « glucose ».
Aujourd’hui, l’Algérie fait face à un dilemme : continuer à satisfaire une demande culturelle et alimentaire élevée en sucre, ou agir fermement pour freiner une épidémie silencieuse de maladies liées à une mauvaise alimentation. Si la production nationale de sucre peut évoluer, c’est surtout une prise de conscience collective et des réformes de santé publique courageuses qui permettront d’inverser la tendance.