Le crédit bancaire ressemble à ces contrats où la vérité se cache en bas de page, écrite en petits caractères. Derrière des taux séduisants, assurance, frais et commissions font grimper le coût réel. Le Taux Effectif Global (TEG) révèle ce que la publicité tait.
En Algérie, de plus en plus de ménages se tournent vers le crédit bancaire pour financer un logement, une voiture ou même une consommation courante. Sur les brochures et affiches, les banques annoncent des taux d’intérêt de 5 %, 6 % ou 7 %. Mais derrière cette vitrine, le coût réel de l’emprunt est souvent bien plus élevé. Car ce taux « officiel » ne dit pas tout : il exclut les frais annexes que l’emprunteur devra, de toute façon, payer. Le véritable indicateur, c’est le Taux Effectif Global (TEG), encore largement méconnu du grand public.
Le vrai prix caché dans les frais annexes
Prenons un exemple concret : un crédit immobilier de 10 millions de dinars, affiché par une banque publique à 6,25 %. L’emprunteur croit qu’il s’endette sur trente ans à ce taux fixe. En réalité, une fois intégrés les frais de dossier, les commissions et surtout l’assurance emprunteur obligatoire, le coût grimpe à 6,46 %. Comme le souligne le cabinet FINABI Conseil, « cela paraît minime – seulement 0,21 point supplémentaire – mais sur trois décennies, cet écart représente près de 405 000 dinars en plus ».
Un constat que nous avons pu confirmer en effectuant nous-mêmes une simulation dans une banque publique. Pour un crédit immobilier de 10 millions de dinars sur vingt ans, la banque annonçait un taux nominal de 6,25 %. En théorie, la mensualité devait tourner autour de 73 093 dinars. Mais dans la pratique, la mensualité communiquée dépassait les 74 000 dinars, car une assurance obligatoire de 1 000 dinars par mois venait s’ajouter.
À cela s’ajoutaient des frais de dossier équivalents à 1 % du montant emprunté, soit 100 000 dinars dès la signature. Au final, le coût total du crédit s’élevait à près de 17,88 millions de dinars, contre 17,64 millions au taux nominal affiché. L’écart de 240 000 dinars montre clairement que le TEG ressort au-dessus du chiffre officiel. Autrement dit, ce que la banque met en avant n’est qu’une partie de la vérité.
Pire encore, même si l’emprunteur souhaite solder son crédit avant l’échéance pour réduire la charge des intérêts, cela ne lui est pas réellement possible. La raison est simple : dans le système bancaire algérien, les intérêts sont encaissés en priorité par la banque au début du remboursement, bien avant que le capital ne commence à être réellement amorti. Autrement dit, l’essentiel du gain reste pour l’institution financière, tandis que le client supporte l’essentiel du coût dès les premières années.
Une obligation réglementaire ignorée
Sur le papier, la Banque d’Algérie a verrouillé le système. Son instruction n°08-2016 impose à toutes les banques d’indiquer clairement le TEG dans leurs offres de crédit. L’article 11 est sans ambiguïté : le taux effectif global doit être mentionné dans tout contrat de prêt. L’objectif est simple : protéger l’emprunteur contre les pratiques opaques et les « taux excessifs ».
Dans les faits, cette transparence reste largement théorique. Les banques continuent de mettre en avant le taux nominal, facile à communiquer et plus séduisant. Sur leurs simulateurs en ligne, les mensualités apparaissent, mais rarement le TEG. Les publicités en façade affichent des pourcentages ronds, mais n’évoquent pas les frais annexes. Ce décalage entretient la confusion et empêche les clients de comparer objectivement les offres. Deux crédits annoncés au même taux nominal peuvent coûter très différemment une fois les frais intégrés.
« C’est un problème de transparence », insiste FINABI Conseil. « Le client croit signer pour un crédit à 6,25 %, mais en réalité il paie un 6,46 %. L’écart est systématique, et tant que les banques ne communiqueront pas clairement le TEG, les emprunteurs resteront piégés par des coûts cachés. »
Ce flou n’est pas sans conséquence. Les ménages, déjà fragilisés par l’inflation et la stagnation des revenus, engagent leur avenir financier sans avoir une idée claire de ce qu’ils paieront réellement. À l’échelle macroéconomique, cette opacité contribue à nourrir la méfiance envers les banques, déjà accusées de ne pas attirer suffisamment l’épargne des ménages.
Une pédagogie financière en retard
Le problème ne se limite pas aux banques. Il reflète aussi l’absence d’une véritable culture financière en Algérie. Le concept de TEG reste technique, difficile à expliquer dans un environnement où le débat public sur les questions économiques est souvent éclipsé par la politique. Résultat : la plupart des emprunteurs se contentent du chiffre affiché, sans interroger sa pertinence.
Pourtant, des initiatives émergent. Des cabinets de conseil comme FINABI vulgarisent la notion et montrent, chiffres à l’appui, que le coût réel d’un crédit dépasse toujours le taux nominal. Ces acteurs tentent de combler le vide laissé par les banques elles-mêmes, qui devraient être les premières à informer leurs clients.
Mais ces efforts restent limités sans relais institutionnel. Car au-delà des initiatives privées, c’est au régumateur monétaire qu’il revient de garantir une transparence généralisée. La Banque d’Algérie publie deux fois par an les taux moyens pratiqués et les seuils de taux jugés « excessifs ». Mais cette information reste confinée dans des circulaires techniques, loin de l’emprunteur ordinaire. Or, pour que la régulation joue son rôle, elle doit être accessible et lisible par tous.