Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, et le cardinal Jean-Paul Vesco, archevêque d’Alger, appellent les dirigeants français et algériens à préserver les liens humains entre les deux peuples, alors que les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie connaissent une dégradation sans précédent depuis l’indépendance.
Dans une tribune, les deux responsables religieux, tous deux algéro-français, affirment que « seule la fraternité pourra dessiner un avenir solide » entre les deux rives de la Méditerranée. Leur message survient dans un contexte de crise persistante entre Paris et Alger, marqué par des contacts réduits à des échanges protocolaires.
« Nos peuples ne doivent pas être les victimes collatérales des crispations diplomatiques », écrivent-ils, en soulignant que ni les Algériens vivant en France, ni les Français établis en Algérie ne doivent subir les répercussions d’une rivalité d’États.
Les deux hommes mettent en avant leur parcours personnel et leur double appartenance pour défendre l’idée d’une fraternité vécue. « Nous ne sommes ni moins français ni moins algériens, mais pleinement les deux », expliquent-ils, rappelant que l’identité ne doit pas être perçue comme « un bloc fermé » mais comme une « réalité vivante ».
Le texte insiste aussi sur la nécessité de dépasser le poids du passé colonial. Selon eux, la dégradation des relations bilatérales franco-algériennes s’enracine dans des blessures mémorielles encore ouvertes. « Des paroles de réconciliation ont manqué », estiment-ils, tout en rappelant, citant Nelson Mandela, que « la réconciliation ne signifie pas oublier, mais ne pas en être prisonnier ».
Pour Hafiz et Vesco, musulmans et chrétiens partagent une responsabilité commune : refuser toute stigmatisation et promouvoir la diversité comme une richesse. « Être porteurs de paix n’est pas une option pieuse : c’est une responsabilité politique, spirituelle et humaine », affirment-ils.
Chems-eddine Hafiz, 69 ans, avocat honoraire, dirige la Grande Mosquée de Paris depuis 2020. Jean-Paul Vesco, 61 ans, dominicain et ancien archevêque d’Oran, a été créé cardinal par le pape François en 2024. Tous deux affirment vouloir continuer à « porter le pari de la fraternité » malgré les tensions diplomatiques. « Il faudra patience et courage », concluent-ils, mais « c’est le seul chemin digne de nos deux pays ».
Pour rappel, universitaires, artistes et militants ont exhorté récemment les présidents Tebboune et Macron à sortir de l’impasse diplomatique et à reconstruire un lien fondé sur la dignité, la mémoire et l’intérêt commun.