Une nouvelle étape vient d’être franchie dans la crise diplomatique entre l’Algérie et les Émirats arabes unis. Youssef Saïd Khamis Sebba Al-Ali, l’ambassadeur émirati à Alger — un ancien militaire — est au cœur d’une controverse qui risque de détériorer davantage les relations déjà délétères entre Alger et Abou Dhabi. Une nouvelle séquence qui laisse planer de sérieuses menaces sur les investissements de l’Emirat en Algérie.
Sous le titre « l’ambassadeur émirati en Algérie joue avec le feu », de nombreux journaux parus jeudi ont accusé le diplomate de « continuer ses provocations et sa mission de semer les germes d’un invraisemblable chaos ». Alors qu’officiellement, il devait se rendre dans son pays pour des soins, cet ex-militaire, d’après les sources citées par ces journaux, était plutôt présent parmi la délégation émiratie qui a visité récemment le Mali, le Niger et le Burkina Faso.
« C’est un faux diplomate en mission de déstabilisation de l’Algérie et de toute la région », accusent ces sources. « L’ambassadeur, plutôt l’ex militaire, Youssef Saïd Khamis Sebba Al-Ali en se rendant dans cette région complique sa situation en Algérie en violant toutes les conventions diplomatiques. Sa présence dans cette délégation est la preuve tangible que cet officier de l’armée émirati est un véritable danger, sa tournée dans les trois pays du Sahel lui fait perdre définitivement toute légitimité et dans le cadre des pratiques diplomatiques lui qui est a été toujours considéré comme suspect et qui est rarement reçu par les officiels Algériens », précisent ces sources.
Cette nouvelle sortie de route du diplomate survient quelques semaines seulement après la charge au vitriol de la télévision publique contre l’Emirat dans la foulée d’un entretien accordé par l’historien Mohamed Lamine Belghit à la chaine Sky News dans lequel il a considéré l’amazighité comme un « complot franco-sioniste », suscitant un tollé en Algérie.
Elle survient également dans un contexte où les relations entre les deux pays ne cessent de se détériorer. Depuis 2020, les contentieux, essentiellement géopolitiques, entre les deux capitales s’accumulent : Libye, Sahel, Sahara occidental et normalisation avec Israël. La crise culmine au début de l’année 2024 lorsque le haut conseil de sécurité, réuni sous la présidence d’Abdelmadjid Tebboune, accuse un pays arabe, largement interprété comme étant l’Emirat, d’« agissements hostiles » à l’égard de l’Algérie.
Des investissements massifs en péril
Dans ce climat de méfiance et de tension diplomatique qu’accentue la nouvelle charge contre l’ambassadeur émirati, la question est désormais de savoir quelles pourraient être les conséquences sur les investissements de la monarchie en Algérie.
Arrivés, dans le sillage de l’accession de Bouteflika aux affaires, les Emiratis ont investi dans plusieurs secteurs stratégiques : immobilier, infrastructures, sidérurgie, défense, logistique, tabac et agriculture. Cependant, la concrétisation de ces investissements varie, certains projets étant opérationnels, d’autres en cours de développement, et certains suspendus ou annulés. Parmi les investissements phares : la gestion du port d’Alger obtenue en concession par DP World en 2008 pour une durée de 30 ans. Connue sous le nom de DP World Djazair, cette joint-venture, détenue à parts égales avec l’entreprise portuaire d’Alger (EPAL) vise la modernisation et l’expansion du terminal à conteneurs du port d’Alger.
Ce partenariat qui devait s’étendre à d’autres ports du pays, comme le souhaitait la partie qatarie n’a pas connu de suite en raison des contingences politiques. D’où la question de savoir si la gestion du port d’Alger ne sera pas remise en question dans le contexte actuel. Il y a également les usines Mercedes-Benz dont trois usines ont été établies à Tiaret, Rouiba et Constantine, en partenariat avec Daimler AG, le ministère algérien de la Défense et le fonds émirati Aabar Investments. Ou encore Nimr Algérie Spa, une entreprise en partenariat avec le groupe Tawazun, produisant des véhicules blindés pour l’Armée nationale populaire.
Plusieurs autres projets lancés connaissent aujourd’hui de sérieux problèmes : c’est le cas du projet Dounia Parc à Dely Brahim développé par Emirates International Investment Company (EIIC), aujourd’hui à l’arrêt en raison de litiges sur le foncier et sur les modalités de gestion. Ou encore les projets d’Emaar Properties comme le Technopole de Sidi Abdallah, la cité de la santé à Staouéli et le complexe touristique de Zéralda. A cela s’ajoutent le projet, bloqué depuis 2018 de Emarat Dzayer Steel de (Annaba), un complexe sidérurgique de 1,16 milliard d’euros.
Par ailleurs, United Tobacco Company (UTC), joint-venture entre Madar Holding (anciennement SNTA) et des investisseurs émiratis produisant des cigarettes s’est vue récemment interdire l’authentification des actes notariés impliquant UTC et STAEM, autre société mixte dans le tabac, par le ministère de la justice.
Ces investissements, chiffrés en milliards, sont désormais fragilisés par la crise diplomatique. L’attitude jugée provocatrice de l’ambassadeur pourrait pousser Alger à réviser ou rompre certains accords. Plusieurs voix, comme celle de Louisa Hanoune (PT), appellent déjà au départ de ces entreprises. La réconciliation semble, pour l’instant, hors de portée.