Le nombre d’Algériens naturalisés français a progressé de 5,2 % en 2024, selon les chiffres officiels du SSMII arrêtés en juin. Les sanctions migratoires de Paris peinent à enrayer l’intégration d’une communauté protégée par l’accord bilatéral de 1968.
L’histoire l’emporte sur les visas. Le constat s’impose à la lecture du rapport « Chiffres clés de l’immigration 2024 » du Service statistique du Ministère de l’Intérieur de l’immigration. Malgré l’escalade diplomatique entre Paris et Alger-expulsions de diplomates, coupes dans les quotas de visas, rhétorique sécuritaire-12 002 Algériens ont acquis la nationalité française l’an dernier. Soit 5,2 % de plus qu’en 2023.
Paris peut bien serrer la vis sur les visas, cela n’empêche pas les naturalisations de progresser. Les Algériens restent la deuxième nationalité la plus naturalisée, derrière les Marocains (14 454, +8,7 %) et devant les Tunisiens (7 250, +13,9 %). À eux trois, les ressortissants du Maghreb totalisent 32 % des 105 000 acquisitions de nationalité enregistrées en 2024.
Le Maghreb domine les naturalisations
Les chiffres du ministère montrent une tendance lourde : 77 % des naturalisations algériennes passent par décret (après cinq ans de résidence en moyenne) ou par déclaration anticipée, notamment pour les conjoints de Français. Ces procédures échappent largement aux soubresauts diplomatiques. Résultat, même quand les visas long séjour chutent de 12,3 % (17 919 délivrés), le stock de titres de séjour valides reste massif à 649 981, le premier rang national.
L’explication tient en un chiffre, à savoir 613 923. C’est le nombre de Certificats de Résidence Algériens (CRA) en vigueur, protégés par l’accord bilatéral franco-algérien de 1968. Ce dispositif, héritage direct de la colonisation, offre un statut privilégié aux Algériens installés en France. Après dix ans de présence, la voie vers la naturalisation s’ouvre mécaniquement.
Paris peut bien resserrer la vis sur les nouveaux arrivants-les primo-titres algériens ont reculé de 8,5 % en 2024 (29 269)-le réservoir historique reste intarissable. « Les Algériens dominent les primo-titres pour motif familial, avec 15 475 attributions malgré une baisse de 4 %, le premier rang national dans cette catégorie », souligne le rapport. Cette immigration familiale est protégée par le droit constitutionnel et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Situations disparates selon les régions
La répartition géographique confirme cette implantation profonde : 21 % des Algériens en France résident en Île-de-France, 11 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ils sont présents dans sept régions sur quatorze en position dominante. Les 650 000 Algériens installés sur le territoire continuent leur parcours d’intégration, indifférents aux querelles entre chancelleries.
Côté intégration, les chiffres restent solides : 6 709 Contrats d’intégration républicaine ont été signés par des Algériens en 2024, le quatrième rang national. Certes, c’est 22 % de moins qu’en 2023. « Mais le mouvement de fond perdure », constate-t-on dans l’entourage des services d’immigration.
Les Marocains, eux, convertissent mieux leurs flux récents en nationalité : 36 000 primo-titres pour 14 454 naturalisations, un taux de conversion de 39 %, grâce à un leadership en visas (282 993) et motifs économiques (10 856 primo-titres). Les Tunisiens excellent dans la catégorie Talent et le motif familial (+9,1 %).
À Bercy, on regarde tout cela calculette en main
La tension entre Alger et Paris s’est cristallisée en 2024-2025 : expulsion de trois diplomates algériens en juin, retrait de l’ambassadeur français en décembre, coupes dans les quotas. Mais ces mesures visent avant tout les flux futurs, pas la population installée. D’autant que Paris joue un jeu risqué : la France importe 8 milliards de mètres cubes de gaz algérien par an. Dans le contexte du plan REPowerEU et de la réélection de Donald Trump, Alger dispose d’un levier considérable.
Le gouvernement algérien peut facilement rétorquer que ces 12 000 nouveaux Français d’origine algérienne témoignent d’une intégration réussie, pas d’une « invasion ». La crise diplomatique, de ce point de vue, tombe presque bien : elle masque l’échec structurel de Paris à contrôler un socle post-colonial ancré dans le droit bilatéral.