L’Algérie a durci sa position contre les cryptomonnaies en inscrivant, via l’article 06 de sa nouvelle loi anti‑blanchiment, l’interdiction de toute utilisation, échange ou détention de crypto‑actifs. Cette mesure s’ajoute à une première interdiction déjà inscrite dans une précédente loi de finances. À contre‑courant, plusieurs pays — dont le Maroc — s’orientent désormais vers un encadrement légal, préférant réguler plutôt qu’interdire.
Une interdiction justifiée par la lutte contre le blanchiment
Alger défend sa ligne dure au nom de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le cash représente encore près de 65 % des transactions selon la Banque d’Algérie, et l’État juge trop risqué l’introduction d’un instrument financier difficilement contrôlable.
Cette interdiction totale a le mérite de lever toute ambiguïté juridique : aucune activité crypto n’est tolérée, évitant ainsi les zones grises. Mais ce verrouillage a aussi un coût. Il prive l’économie d’un marché mondial estimé à plus de 1 200 milliards de dollars en 2023 (CoinMarketCap), potentiellement porteur d’investissements, de capitaux et d’innovations technologiques.
Certains économistes y voient même un paradoxe. « Les transactions en cryptomonnaies sont souvent plus traçables que la circulation du cash », rappelle un expert algérien auprès de la banque mondiale . La blockchain laisse une trace publique et permanente de chaque mouvement, contrairement aux billets, invisibles une fois sortis du système bancaire. L’argument sécuritaire du gouvernement apparaît donc fragile : l’interdiction ferme la porte à un outil transparent, alors même que l’opacité reste dans l’usage massif du cash.

Le Maroc opte pour un encadrement pragmatique
À l’inverse, le Maroc a choisi d’assouplir sa position. Après avoir interdit les cryptos en 2017, Rabat a amorcé en 2024 une réforme en faveur d’un encadrement légal. Bank Al‑Maghrib et l’Office des Changes ont transmis un projet de loi instaurant un cadre réglementaire : autorisation de certains usages professionnels et obligation pour les plateformes agréées de respecter les normes KYC/AML (identification des clients et lutte contre le blanchiment).
Cette approche place le Maroc dans la dynamique internationale. Les Émirats arabes unis ont créé à Dubaï une autorité dédiée aux crypto‑actifs ; aux États‑Unis, la SEC a validé en 2024 plusieurs ETF indexés sur le bitcoin ; en France, l’AMF impose désormais l’enregistrement obligatoire des plateformes. Ces exemples illustrent un mouvement global vers l’intégration réglementée des cryptos, en contraste avec l’Algérie, qui paraît se figer dans une logique d’exclusion.
Le risque d’une autre économie parallèle
L’expérience internationale montre que l’interdiction seule ne suffit pas à éradiquer l’usage des cryptomonnaies. En Algérie, des transactions se poursuivent de manière clandestine, via VPN ou échanges de pair à pair, alimentant une économie parallèle crypto qui s’ajoute déjà à un marché informel du dinar estimé à environ 40 % du PIB.
Pour contrer cette dérive, la Banque d’Algérie mise sur le lancement d’un dinar numérique, une version étatique des monnaies numériques de banque centrale (MNBC). Mais ces monnaies, à l’image du yuan numérique ou de l’eNaira nigérian, n’ont rien de commun avec l’esprit des cryptomonnaies. « Les MNBC reflètent une logique de contrôle centralisé, là où les cryptos séduisent précisément par leur indépendance vis‑à‑vis des autorités », souligne un consultant régional en fintech.