L’interdiction de l’usage des monnaies numériques en Algérie refait surface et suscite, à nouveau, un débat, depuis la publication, hier dimanche, de la loi encadrant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, dont l’article 6 interdit formellement la production (minage), détention, échange, achat ou vente des monnaies virtuelles.
L’interdiction des cryptomonnaies en Algérie ne date pas d’aujourd’hui. Depuis l’adoption en 2018 de l’article 117 de la loi de finances, l’Algérie maintient une position ferme d’interdiction sur toute opération impliquant les cryptomonnaies.
Cette disposition interdit formellement ces activités, justifiée par la crainte des risques liés au blanchiment d’argent, à l’instabilité financière, et à la protection de la souveraineté monétaire. Selon cet article, la « monnaie virtuelle » est définie par son absence de support physique et son caractère non régulé par les institutions financières nationales.
En 2025, face aux évolutions mondiales et aux pressions issues, notamment, du Groupe d’action financière (GAFI) pour renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent (LBC), l’Algérie a adopté une loi anti-blanchiment renforcée. L’article 6 de cette loi criminalise expressément le commerce et la promotion des actifs numériques et vise ainsi à combler les lacunes précédemment observées en matière de surveillance des flux financiers illicites.
Cette mesure s’inscrit dans la stratégie nationale de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, qui avait valu à l’Algérie un classement en liste grise du GAFI, impliquant un contrôle international accru[…].
Sur un autre front, l’Algérie explore le développement d’un dinar numérique, une monnaie digitale de banque centrale, comme levier de modernisation économique et d’inclusion financière officielle. Ce projet avec lequel le pays « trace des ambitions stratégiques pour sa digitalisation, visant à moderniser les paiements et à stimuler une économie numérique plus intégrée ».
C’est un intérêt pour le pays d’explorer cette innovation, comme l’explique l’expert des TIC, Ali Kehlane, dans une contribution publiée dans le site du Think Tank CARE. « La monnaie numérique de banque centrale constitue une évolution originale pour contrecarrer l’expansion incontrôlée des cryptomonnaies. Il est à rappeler que ces dernières avaient été conçues avec comme principe, le rejet de toute forme d’autorité monétaire centrale. Les banques centrales ont pris la main et s’emparent désormais de ces technologies pour mettre en place une alternative qui leur permet de garder le contrôle ».
Or, cet état de fait expose une tension notable : alors que le dinar numérique officialise l’usage d’une monnaie digitale contrôlée, l’interdiction stricte des cryptomonnaies peut s’avérer un frein pour la modernisation numérique du pays, déjà en retard, et à l’innovation des startups, notamment spécialisées dans la FinTech. Certains experts pointent que cette interdiction pourrait pousser les utilisateurs et startups à recourir à des solutions non réglementées, accentuant ainsi les risques réels d’activités illicites — paradoxe que la loi anti-blanchiment cherche à réduire.
Au regard de ces éléments, les décisions algériennes apparaissent comme un compromis difficile entre prudence et modernisation. L’interdiction vise à prévenir les risques connus, mais elle soulève le défi de ne pas étouffer le potentiel d’un secteur en pleine croissance mondiale. Le projet de dinar numérique montre la reconnaissance officielle de l’importance du numérique, mais il reste à voir comment il s’intégrera dans un cadre plus large d’acceptation et d’encadrement des actifs numériques détenus par les citoyens dans des espaces décentralisés.
L’Algérie pourrait-elle manquer les opportunités économiques liées à la blockchain et à la finance numérique ? De toute façon, À l’heure où le monde expérimente, régule et adapte ses modèles, l’Algérie semble camper sur une position de fermeture. Une décision prudente… mais peut-être trop conservatrice pour une économie qui aspire à se digitaliser et à rattraper son retard technologique.