Alors que l’économie numérique mondiale se normalise, la Banque d’Algérie choisit la voie du verrouillage hermétique via sa directive N°06/2025. Ce texte impose désormais aux banques et à Algérie Poste une surveillance algorithmique stricte, transformant chaque guichetier et chaque serveur bancaire en sentinelle contre le Bitcoin et les actifs virtuels.
L’étau se resserre drastiquement sur les détenteurs de cryptomonnaies en Algérie. Si la détention et l’échange d’actifs virtuels étaient déjà proscrits par la Loi de Finances 2018 1, les nouvelles Lignes Directrices N°06/2025 de la Commission Bancaire viennent combler le fossé technique qui permettait encore certaines transactions2. Cette dernière veut couper définitivement les ponts entre le système bancaire national et les plateformes d’échange internationales.
La mesure la plus importante de ce dispositif réside dans l’obligation de résultat imposée aux institutions financières (banques et services financiers d’Algérie Poste). Il ne s’agit plus seulement de vigilance, mais de filtrage actif.
Le régulateur exige la mise en place de règles spécifiques dans les systèmes de surveillance pour détecter automatiquement les transactions contenant des termes comme “Bitcoin (BTC)”, “Tether (USDT)”, “Ethereum (ETH)” ou encore “Litecoin (LTC)”. Plus loin encore, les banques doivent désormais identifier et rejeter tout virement vers des sites web ou plateformes préalablement identifiés comme liés aux actifs virtuels.
La traque s’étend à l’infrastructure technique. Les banques sont tenues de surveiller les adresses IP. L’utilisation de nouvelles adresses non identifiées, ou pire, d’adresses liées au “dark net”, constitue désormais un indicateur d’alerte rouge.
Le profilage des clients suspects
Le document détaille avec précision les comportements financiers qui doivent alerter les banquiers. Les “institutions assujetties” doivent surveiller les petits virements répétitifs sans justification économique logique, souvent symptomatiques d’achats fractionnés de crypto-actifs.
De même, les mouvements s’apparentant à des systèmes de Ponzi (virements en chaîne entre particuliers) ou l’usage de techniques d’anonymisation comme les “mixeurs” ou les “wallets anonymes” sont explicitement ciblés. Les banques doivent même effectuer une “veille active sur Internet et les réseaux sociaux” pour identifier si leurs clients interagissent avec des plateformes d’échange.
Le texte instaure une tolérance zéro. Dès la détection d’une opération liée aux actifs virtuels, la banque doit procéder à une “déclaration de soupçon immédiate” auprès de la Cellule de Traitement du Renseignement Financier (CTRF).
Les clients devront, par ailleurs, composer avec une confidentialité totale. Les banques ont l’interdiction formelle d’informer le donneur d’ordre ou le bénéficiaire qu’ils font l’objet d’un signalement. Le blocage des opérations se fera donc “à l’aveugle” pour l’usager, qui se heurtera à un mur de silence administratif, la déclaration de soupçon relevant du secret professionnel absolu.
Pour justifier ce durcissement, la Commission Bancaire met en avant les risques de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme et la volatilité inhérente à ces actifs dépourvus de garantie étatique.





