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Maghreb

Dénoncée par les professionnels, la réforme de la justice limite les libertés des marocains

Par Yazid Ferhat
17 juin 2016
Quinze juges affirment avoir appris leur révocation par téléphone

L’adoption en fin de semaine au Parlement d’un projet de loi controversé sur l’organisation judiciaire au Maroc va imposer dorénavant l’utilisation exclusive de la langue arabe dans les enceintes judiciaires mais surtout, l’arabisation de tous les documents, y compris les bilans financiers et de commerce.

 

 

Les juristes marocains sont sur les dents: ils ne comprennent pas comment les parlementaires ont voté un projet de loi qui bride les droits de la défense et des justiciables. Le projet de loi stipule dans son article 14, celui dénoncé par la corporation des juristes et défenseurs, que l’arabe est la officielle devant les tribunaux. Autant pour les requêtes, les plaidoiries ou que la rédaction des jugements, et oblige la présentation des documents en arabe ou une traduction effectuée par un traducteur assermenté dans le cas où les documents d’origine sont en langue étrangère. Même si la langue arabe est officielle au Maroc depuis 1965, le fonctionnement de la justice acceptait jusque là le français comme langue de substitution à l’arabe dans les actes de justice, les plaidoiries ou les documents administratifs ou comptables. Des parlementaires membres de la Commission de la Justice ont prévenu contre l’adoption à la chambre des Conseillers (Sénat) d’un tel projet de loi, rappelant que beaucoup de documents présentés aux tribunaux commerciaux sont en langue française, et en particulier les bilans financiers des sociétés ou des entreprises publiques. C’est, selon des juristes, tout le droit commercial qui sera revu, avec des incidences lourdes sur l’économie marocaine. Pourtant, des parlementaires ont proposé, lors de la discussion de ce texte, de limiter le caractère obligatoire de l’arabe aux décisions judiciaires et aux rapports d’expertise, et de consacrer la recevabilité des autres documents même s’ils sont rédigés en français ou dans une autre langue étrangère. Le débat n’a pas résisté à la volonté de la majorité des parlementaires, qui ont voté en plénière pour ce projet de loi de réforme de la justice, sans toucher à l’article 14.

‘’L’arabe n’est pas un problème’’

Selon un juriste cité par  »L’Economiste » dans son édition de jeudi,  »l’arabe est déjà une réalité au sein des enceintes judiciaires, là n’est pas le problème. Le problème c’est qu’on ferme à travers cette réforme des couloirs qui contribuaient jusque-là à fluidifier les procédures. » « Une disposition incompréhensible, selon plusieurs professionnels, dans la mesure où elle constitue une atteinte grave à l’article 118 de la Constitution, qui stipule clairement que l’accès à la justice est garanti à toute personne pour la défense de ses droits et de ses intérêts protégés par la loi », poursuit L’Economiste. Le dernier espoir de voir ce projet de loi revu, dont l’amendement de l’article 14, reste les sénateurs, le texte étant actuellement au niveau de la chambre des Conseillers. Un dilemme de taille face à l’obligation, imposée par l’article 14, de traduire en arabe tous les documents à présenter devant les tribunaux. Plus concrètement, si ce projet de loi passe devant la chambre des Conseillers,  tous les jugements seront nuls et non avenus si la plaidoirie ou les requêtes sont faites en langue étrangère. Pour le ministère de la Justice, dirigé par l’ex-défenseur au barreau de Casablanca, Mostafa Ramid, un des dirigeants du parti Justice et Développement (Islamiste, au pouvoir),   »le projet de loi sur l’organisation judiciaire est l’un des textes fondateurs de la réforme », et  »consacre l’indépendance du pouvoir judiciaire. »

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