Plusieurs témoignages ont convergé vers la rédaction de Maghreb Émergent de citoyens algériens en passe de retirer leurs épargnes déposées dans une des banques françaises présentes en Algérie. Il s’agit-là d’une des conséquences imprévues de l’escalade dans la tension diplomatique entre Alger et Paris enregistrée la semaine dernière avec notamment l’expulsion de 12 membres du personnel consulaire de part et d’autre. « Je ne sais pas où tout cela va se terminer. Moi je préfère prendre mes précautions, je vais mettre ma petite épargne dans une banque publique. Je serai plus tranquille. » a confié à ME un distributeur de produits agricoles de la Mitidja client de longue date de Société Générale Algérie (SGA). L’inquiétude concerne tout aussi bien des clients de BNP Paribas El Djazair, l’autre grande enseigne bancaire française présente en Algérie. La troisième, Natixis, au réseau plus confidentiel, n’a pas été citée par des déposants anxieux dans les témoignages recueillis, mais pourrait tout aussi bien être touchée par ce soubresaut de défiance naissante.
Une inquiétude injustifiée
« Les conditions d’une liquidation, suite à leur fermeture, des filiales des banques françaises en Algérie sont totalement absentes » a commenté pour ME un ancien banquier du secteur public « leurs résultats opérationnels sont positifs, et même si la progression de leur bilan a stagné ces dernières années, le régulateur n’a pas de notification négative les concernant sur la durée. A ce stade je ne vois vraiment pas comment un conflit diplomatique peut venir mettre en danger la liquidité des banques étrangères». Cet avis raisonné d’expert n’est pas partagé par Messaoud B, distributeur dans les matériaux de construction qui a envisagé de retirer ses dépôts de sa banque française « si les choses ne s’arrangent pas dans les prochains jours. J’ai subi une grosse perte en 2003 avec Khalifa Bank. Je ne veux surtout pas revivre la même chose pour des raisons politiques ». La banqueroute de la première banque privée algérienne a laissé un traumatisme chez les épargnants qui lui avait fait confiance. L’inquiétude naissante au sujet des dépôts dans les banques françaises présentes en Algérie provient justement en priorité d’anciens clients de Khalifa Bank. Pour rappel les scénarios de crise politique qui débouchent sur un « Bank Run » (panique des déposants) sont assez rares dans l’histoire récente. Les banques russes en ont souffert après les sanctions infligées à leur pays après l’invasion de l’Ukraine en février 2022. L’une des plus importante parmi elles, Sberbank Europe AG , a dû fermer en mars de la même année faute de liquidités face aux retraits massifs. Un scénario que personne ne veut sérieusement envisager en Algérie pour les banques françaises.
Samy Injar