Algex dissoute, deux nouvelles agences promises pour fin mai. Cinq mois plus tard, toujours rien. Entre-temps, des dizaines d’importateurs errent devant des portes closes, leurs entreprises au bord de l’asphyxie. Plongée dans un vide institutionnel aux conséquences dévastatrices.
“L’ère d’Algex est terminée dès aujourd’hui. Le gouvernement doit créer deux instances d’ici fin mai : l’une pour organiser les importations, l’autre pour organiser les exportations”, avait déclaré le président de la République lors de l’ouverture de la 2e édition de la Rencontre nationale avec les opérateurs économiques.
Une annonce forte, censée tourner la page de vingt ans de fonctionnement de l’Agence nationale de promotion du commerce extérieur. Mais sur le terrain, la réalité raconte une tout autre histoire. Cinq mois après la dissolution d’Algex, le vide est béant. Les importateurs se retrouvent piégés dans un labyrinthe administratif où règnent attente, incertitude et paralysie.
“Je suis venu de Sétif pour un simple cachet”
Ce lundi 29 septembre, devant les portes fermées du siège d’Algex à El Mohammadia, Abdelwahab patiente depuis des heures. Responsable d’une agence de communication à Sétif, il a fait plus de 300 kilomètres pour un simple cachet administratif. Mais aujourd’hui encore, il repartira les mains vides.
“Je suis venu de Sétif pour un simple cachet, et là je n’ai rien fait. Ils n’ont même pas pris la peine d’informer les clients qu’ils travaillent uniquement dimanche et mardi”, lâche-t-il, la fatigue et l’exaspération mêlées dans la voix.
Autour de lui, d’autres opérateurs vivent le même calvaire. Certains sont là depuis le matin, d’autres reviennent pour la troisième, la quatrième fois. Tous partagent la même incompréhension face à cette situation qui s’éternise.
Pour Abdelwahab, ce n’est pas qu’une question de paperasse. C’est toute son entreprise qui est menacée. “Dès le début de cette année, j’ai importé pour la première fois depuis la Chine, uniquement une fois. Mon entreprise tourne désormais au ralenti. Cette année, j’ai connu une baisse de revenus jamais enregistrée à cause de ces décisions administratives qui paralysent notre activité”, confie-t-il.
Sa solution pour demain ? Louer une chambre d’hôtel à proximité. “Je suis obligé de louer une chambre d’hôtel pour être à la porte dès la première heure ce mardi”. Un coût supplémentaire pour une entreprise déjà fragilisée. Une dépense qu’il n’aurait jamais imaginé devoir faire pour simplement accomplir une démarche administrative.
Un vide institutionnel qui s’installe
Les gardiens de sécurité, eux, répètent le même message depuis des semaines : “Il n’y a personne à l’intérieur. Vous devez revenir dimanche ou mardi. L’agence est fermée par Tebboune”. Une phrase devenue ritournelle, qui résume à elle seule l’absurdité de la situation.
Car la dissolution d’Algex devait justement améliorer les choses. Deux nouvelles structures, plus modernes, plus efficaces, devaient voir le jour. L’une pour organiser les importations, l’autre pour dynamiser les exportations. Cinq mois plus tard, ces agences restent des promesses. Et pendant ce temps, les opérateurs économiques paient le prix de cette transition qui n’en finit pas.
Dans la file d’attente, un autre importateur observe la scène avec amertume. Lui aussi vient régulièrement, lui aussi repart souvent bredouille. “Nous comprenons la volonté de réformer, mais entre-temps, nos entreprises sont à l’arrêt”, dit-il simplement. Pas de colère excessive, juste une lassitude profonde. Les contraintes administratives, déjà pesantes avant, sont devenues de véritables murs infranchissables.
Quand la réforme bloque l’économie
Créée en 2004 sous la tutelle du ministère du Commerce, Algex avait pour mission de promouvoir les produits algériens à l’international et de soutenir les exportateurs, notamment hors hydrocarbures. Sa dissolution en 2025 marque une rupture nette dans la stratégie économique du pays. Le président Tebboune vise un objectif ambitieux : atteindre un produit intérieur brut de 400 milliards de dollars à l’horizon 2027.
Mais comment y parvenir quand les outils de travail disparaissent avant d’être remplacés ? Pour Abdelwahab et des dizaines d’autres opérateurs comme lui, la question n’est même plus celle de la croissance. C’est celle de la survie. “Nous voulons juste travailler, importer dans la légalité, payer nos impôts et faire vivre nos familles. Aujourd’hui, c’est devenu un parcours du combattant”.
Derrière ces parcours individuels, c’est tout un pan du tissu économique national qui vacille. Les petites et moyennes entreprises, déjà fragilisées face à la concurrence internationale, subissent de plein fouet ce blocage inédit. Combien de temps pourront-elles encore tenir ? Combien d’emplois sont déjà menacés ? Devant les portes closes d’Algex, personne n’a la réponse. Et c’est peut-être cela, le plus inquiétant.