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Eau, urgence nationale : Tebboune face au défi du dessalement

Par Lyas Amara 20 octobre 2025
Vue aérienne de l'usine de dessalement Cap Djinet 2 à Boumerdès, Algérie, avec ses bâtiments industriels aux toits bleus en bord de mer
La station de dessalement Cap Djinet 2 à Boumerdès, inaugurée en mars 2025. L'installation produit 300 000 mètres cubes d'eau potable par jour. ©Ministère de l'énergie

Lors du Conseil des ministres réuni dimanche 19 octobre 2025, le président Abdelmadjid Tebboune a tiré la sonnette d’alarme sur les « effets de la sécheresse » et la surexploitation des ressources hydriques. Il a demandé « l’élaboration d’études scientifiques rigoureuses » prenant en compte les moyennes régionales de consommation et les réalités climatiques locales, et a insisté sur le suivi des réparations et la lutte contre les pertes d’eau afin d’anticiper des scénarios de stress hydrique. Le même Conseil a validé l’implantation de trois nouvelles stations de dessalement, au sein d’un programme plus large visant à renforcer l’offre en eau potable.

Une situation hydrique tendue: mauvaise gestion, consommation et pertes

La physionomie hydrique de l’Algérie combine des facteurs climatiques (baisse des pluies, épisodes de sécheresse plus fréquents) et des faiblesses structurelles dans la gestion de l’eau. Dans plusieurs wilayas, la population vit au rythme des coupures répétées, des pénuries chroniques et d’un approvisionnement souvent aléatoire.

L’exemple de Tiaret, en juin 2024, reste emblématique de cette tension : cette wilaya du Haut Plateau avait connu une grave crise d’eau, avec des robinets à sec pendant plusieurs jours, provoquant des manifestations et une forte pression sur les autorités locales. Le président Tebboune avait alors convoqué un Conseil des ministres exceptionnel consacré à la question de l’eau, ordonnant des mesures urgentes pour Tiaret et les wilayas du centre et de l’ouest, notamment la réhabilitation des forages, le raccordement rapide à des barrages voisins et la mise en place d’un suivi quotidien de la distribution. Cet épisode a agi comme un électrochoc pour le gouvernement, révélant l’ampleur de la crise de gouvernance du secteur.

Depuis, les autorités reconnaissent la nécessité d’études fines sur la consommation réelle par foyer et par région, signe que les politiques antérieures n’ont pas toujours pris la mesure des spécificités locales.

Un levier concret sur lequel l’État met aujourd’hui l’accent est la réduction des pertes dans les réseaux : les sociétés de distribution (SEAAL, ADE, etc.) multiplient les campagnes d’intervention. Les rapports officiels font état de dizaines de milliers de fuites colmatées sur les dernières années — un effort qui aurait permis d’économiser plusieurs millions de m³ d’eau potable. Mais ces actions restent insuffisantes face à l’ampleur des infrastructures vieillissantes et des pertes cumulées.

Le dessalement : montée en puissance et nouveaux chantiers

Face à la sécheresse et à la fragilité des ressources continentales, l’Algérie a choisi d’accélérer le recours au dessalement de l’eau de mer : des programmes de construction de plusieurs usines ont été lancés depuis 2022, et le Conseil des ministres vient d’acter l’implantation de trois nouvelles méga-stations.

Le pays dispose aujourd’hui d’une vingtaine de stations de dessalement opérationnelles le long du littoral. De nouveaux projets en cours de réalisation visent à porter la capacité nationale de dessalement à plus de 2,5 millions de m³/jour à l’horizon 2030. Ces installations doivent sécuriser l’approvisionnement des grandes agglomérations côtières et soulager les transferts d’eau depuis l’intérieur du pays.

Dessalement : solution pérenne ou rustine coûteuse ?

Le dessalement offre un avantage stratégique évident : il transforme une ressource inépuisable localement (la mer) en eau potable, indépendamment des pluies. Mais plusieurs limites techniques, économiques et environnementales tempèrent l’optimisme :

Coût et consommation énergétique : même si les progrès technologiques (osmose inverse, couplage avec le solaire) ont réduit les coûts, le dessalement reste énergivore.

Impact environnemental : les rejets de saumures concentrées peuvent fragiliser les écosystèmes marins.

Coût pour l’usager : la dépendance à des installations coûteuses et à forte maintenance risque d’alourdir la facture publique.

Nécessité d’une stratégie intégrée : sans réduction des pertes, réutilisation des eaux usées et gestion rationnelle des nappes, le dessalement ne pourra qu’amortir temporairement la crise.

En somme, le dessalement est une solution d’adaptation, non une réponse structurelle. Il doit s’accompagner d’une réforme de la gouvernance de l’eau, d’un investissement massif dans les réseaux et d’une meilleure maîtrise de la demande.

Un défi durable

L’Algérie se trouve à la croisée des chemins. La sécheresse impose des décisions rapides, mais les remèdes d’urgence ne suffiront pas. Les usines de dessalement offriront une bouffée d’oxygène, certes, mais la durabilité de la sécurité hydrique dépendra de la capacité du pays à gérer rationnellement ses ressources, moderniser ses infrastructures et instaurer une culture de sobriété.

Sans cette réforme profonde, la crise de Tiaret de 2024 pourrait bien se répéter ailleurs — avec les mêmes symptômes : robinets à sec, colère des habitants, et un État obligé d’éteindre les incendies plutôt que de prévenir la pénurie.

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