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En Algérie, le décalage se creuse entre la formation et le marché du travail

Par Yacine Temlali
16 novembre 2014
L’ANEM n’arrive pas toujours à intéresser certains profils de demandeurs d’emplois aux postes offerts par son biais.

Le chômage, en Algérie, a été stabilisé en dessous de 10%. Mais un phénomène prend de l’ampleur, celui des emplois offerts qui ne trouvent pas preneurs.

 

 

Les entreprises publiques algériennes ne représentent que 28% des offres d’emploi dans le secteur économique, alors qu’elles consomment 60% des crédits bancaires. C’est donc le secteur privé, en plein essor, qui fournit désormais l’essentiel des nouveaux emplois, avec près de 70% des offres disponibles.

Mais les incohérences du marché de l’emploi ne s’arrêtent pas là. Selon M. Mohamed Tahar Chaâlal, Directeur général de l’Agence nationale pour l’emploi (ANEM), l’Algérie fait face à un nouveau paradoxe, celui de la cohabitation du chômage avec des offres d’emploi non satisfaites. Les offres d’emploi non satisfaites « ne sont pas encore très importantes mais elles commencent à prendre de l’ampleur », a-t-il indiqué. Il s’agit parfois de postes de travail qui « demandent de la technicité ou une formation pointue » mais aussi d’autres, pourtant moins cotés. Il est de plus en plus difficile de trouver « une main d’œuvre qualifiée pour le bâtiment, le tourisme et l’agriculture », a indiqué M. Chaâlal, à titre d’exemple. A un point tel que le gouvernement a décidé d’ouvrir les emplois dans le bâtiment à des étrangers réfugiés en Algérie dans une semi-légalité.

«L’inadéquation entre la formation et les besoins du marché » est la principale cause de ce déséquilibre, selon M. Chaalal, qui rappelle, toutefois, que « certains profils » trouvent difficilement des postes de travail, notamment ceux qui ont « une formation universitaire en sciences humaines ». L’ANEM veut approfondir sa connaissance dans ce domaine. Elle va mener une enquête sur le chômage de longue durée et les offres d’emploi non satisfaites

 

Les injonctions gouvernementales faussent les données sur le chômage

 

En 2014, l’ANEM a placé 281.000 personnes. 30.000 autres ont refusé l’emploi proposé, dont 20% considéraient la rémunération comme étant inadaptée, 22% refusaient les conditions de travail proposées, 11% ont décliné l’offre à cause de l’éloignement et 4% pour des considérations liées à la qualification.

Le résultat mitigé des entreprises publiques cache un autre dysfonctionnement, celui du recrutement sur injonction du gouvernement, ce qui fausse les résultats réels du chômage. M. Chaâlal reconnaît qu’il y a eu des « recrutements massifs dans les entreprises publiques » dans le Sud. Parallèlement à cela, le Premier ministre Abdelmalek Sellal a transmis une circulaire sommant les entreprises de mettre à la retraite tout le personnel âgé de soixante ans et plus. Cela risque de priver les entreprises d’une partie de leur encadrement mais libère des postes d’emploi pour les plus jeunes, qui poussent en masse pour intégrer le monde du travail, ce qui constitue le premier souci du gouvernement. Pour l’exécutif, les risques de troubles chez les jeunes peuvent être plus dangereux que les protestations de sexagénaires en fin de carrière, soucieux de sortir du monde du travail dans les meilleures conditions possible.

 

Des dispositifs controversés

 

Pour les seules wilayas du Sud, 30.000 postes d’emploi ont été proposés durant les trois premiers trimestres de 2014, un chiffre auquel s’ajoutent les 17.000 créés dans le cadre du DAIP (dispositif d’aide à l’insertion professionnelle), une formule qui permet à l’administration de prendre en charge le salaire d’une jeune recrue d’une entreprise pendant trois ans.

Ce dispositif, très controversé en raison de ses dysfonctionnements, a permis de placer 660.000 jeunes depuis 2011, ce qui a permis de maîtriser les chiffres du chômage. Des instructions ont été ensuite données pour orienter ces recrues vers le secteur économique, et non plus vers l’administration. Quant aux formules d’aide à la création d’entreprises, comme la CNAC (Caisse nationale d’assurance-chômage) et l’ANSEJ (Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes), elles ont permis de créer 430.000 microentreprises, selon M. Chaâlal.

Le rythme a, cependant, nettement baissé, le gros de la demande ayant été absorbé en 2012-2013. Ce qui permet à ces agences d’être plus exigeantes et plus sélectives dans l’aide qu’elles apportent. Désormais, une formation est requise pour toute aide à la création d’entreprise, et certains secteurs, très prisés il y a quelques années, comme le transport de voyageurs, sont sur le point d’être abandonnés.

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