Les bousculades d’Algériens à la recherche d’un mouton à sacrifier à 40 000 dinars, relayées en boucle sur les réseaux sociaux, n’ont rien fait pour améliorer l’image du pays, son nation branding pour employer le jargon contemporain. La vérité, c’est que l’Algérie est sans doute l’un des pays les plus sous-cotés au monde en matière d’image nationale.
Le Global Soft Power Index classe 193 pays selon leur capacité d’influence par l’attraction et la persuasion — une approche largement fondée sur la perception que l’on a d’un pays. L’Algérie y a perdu cinq places dans le dernier classement, tombant au 78e rang, soit 28 places derrière le Maroc, pourtant traditionnellement handicapé par son statut de puissance occupante au Sahara occidental.
Pourtant, dans la réalité sociale, celle mesurée par l’Indice de développement humain (IDH) du PNUD, l’Algérie demeure leader en Afrique du Nord et troisième sur l’ensemble du continent africain. Ce décalage persistant entre perception et réalité devrait nous alerter. Car un déficit d’image a, c’est établi, une incidence préjudiciable sur la performance économique à moyen terme. À l’inverse, une image positive constitue un actif stratégique : elle attire les touristes, les talents, les investissements, facilite le commerce extérieur, et protège des intérêts invisibles, par la seule grâce d’un soft power sensoriel — autrement dit, une perception favorable de la marque pays.
Selon une étude de Bloom Consulting, une amélioration de seulement 0,1 point sur l’échelle de perception peut générer jusqu’à 1,24 milliard USD de recettes touristiques supplémentaires et 1,95 milliard USD en investissements directs étrangers pour un pays aux standards OCDE.
La course au nation branding est aujourd’hui mondiale. Les pays scandinaves, malgré des prélèvements fiscaux parmi les plus élevés du monde, restent extrêmement attractifs grâce à leur excellente image : droits humains, transparence juridique, sécurité, préservation de l’environnement. À l’inverse, les perceptions peuvent se dégrader bien plus vite qu’elles ne s’améliorent. Le génocide en cours à Gaza n’assassine pas que des Palestiniens : il sinistre la marque « Israël » comme jamais auparavant.
Dans l’autre sens, le Qatar a construit en trois décennies une image puissante grâce à des investissements d’image hors normes. Les Émirats arabes unis, dont le modèle reste pourtant très contesté, ont intégré en 2025 le top 10 du Global Soft Power Index. Des pays comme le Rwanda ou Oman traitent leur image comme un levier stratégique au service d’un nouveau positionnement international.
L’Algérie, quant à elle, a-t-elle suffisamment corrigé son image de pays violent et donc dangereux, héritée des années noires ? Sans doute pas. En cause : le retour du pétrole cher entre 2004 et 2005, qui a relégué l’enjeu de l’image nationale au second plan.
Pourtant, de grands pays rentiers ont entamé des révolutions d’image ambitieuses. L’Arabie saoudite en est aujourd’hui l’exemple le plus frappant, malgré l’assassinat inexpiable du journaliste Jamal Khashoggi. Désormais, Jennifer Lopez donne des concerts à Riyad, le Rallye Dakar — historiquement Paris-Alger-Dakar — y fait la promotion de la destination, aux côtés de Grands Prix de Formule 1 et de festivals de cinéma.
Tout va très vite dans cette course à l’image. Encore faut-il avoir une vision claire. La semaine dernière, le Giro d’Italia a démarré en Albanie, candidate à l’Union européenne. Il avait été question, un temps, de faire partir le Tour de France 2022 d’Alger. Les éditions 2026 (Barcelone) et 2027 (Édimbourg) sont déjà attribuées. Alors pourquoi pas en 2028 ? Cela permettrait peut-être de changer de vidéos virales lorsqu’il s’agit de foules…
Pendant ce temps, le Rwanda accueillera cette année Tadej Pogačar : l’UCI lui a confié l’organisation des Championnats du monde de cyclisme. Une étape stratégique dans un plan de nation branding cohérent.