Depuis l’élection du président Abdelmadjid Tebboune, les relations entre l’Algérie et le Qatar ont pris une tournure inédite.
Ce rapprochement n’est pas seulement diplomatique, il est devenu clairement économique et stratégique. En témoignent les projets d’investissement conjoints, comme l’implantation de la société qatarie Baladna dans le domaine laitier, mais aussi l’ouverture illimitée des vols entre Alger et Doha, facilitant les échanges commerciaux. Aujourd’hui, un nouveau jalon s’impose : la foire des produits algériens au Qatar, organisée pour la première fois en 2024, qui marque une volonté claire d’ouverture vers les marchés du Golfe.
C’est dans ce contexte dynamique que s’est tenue, à Alger, une rencontre de haut niveau entre le ministre algérien du Commerce extérieur, Kamel Rezig, et l’ambassadeur qatari Abdelaziz Ali Al-Naama. Les deux responsables ont discuté des préparatifs pour une nouvelle édition de la foire, prévue au Qatar. Plus qu’une réunion protocolaire, cette rencontre a confirmé la volonté partagée d’ancrer durablement la présence algérienne dans les circuits d’exportation régionaux.
Une foire qui dépasse le simple cadre commercial
La foire des produits algériens au Qatar est loin d’être une vitrine symbolique. C’est un outil stratégique pour stimuler les exportations hors hydrocarbures, axe majeur de la politique économique algérienne. Plus de 150 entreprises y ont participé en 2024, couvrant des secteurs tels que l’agroalimentaire, le BTP, la pharmacie ou encore l’artisanat. Leur objectif : capter une part d’un marché dynamique, dont plus de 90 % des biens de consommation sont importés.
Le Qatar représente ainsi une porte d’entrée vers tout le Conseil de coopération du Golfe (CCG), un espace où le pouvoir d’achat est élevé et où la demande en produits fiables, certifiés et diversifiés est constante. La réussite de cette foire est donc une condition de crédibilité pour toute stratégie d’expansion économique dans la région.
Le défi logistique et normatif : les véritables freins
Malgré l’ambition affichée, plusieurs lacunes structurelles freinent l’élan exportateur algérien. D’abord, l’absence de liaisons maritimes directes et régulières entre l’Algérie et le Golfe pénalise les délais de livraison, augmente les coûts et complique la logistique. Ensuite, les standards internationaux exigés par les marchés du Moyen-Orient en matière de traçabilité, d’hygiène ou d’emballage ne sont pas toujours respectés par les PME algériennes.
À cela s’ajoute un déficit d’accompagnement : nombre d’entrepreneurs manquent de formations spécifiques à l’export, de conseils techniques ou juridiques, et de soutien institutionnel dans la mise en conformité de leurs produits. Enfin, les représentations commerciales algériennes à l’étranger, notamment dans les ambassades, sont souvent sous-dimensionnées pour accompagner cet élan entrepreneurial.
Vers un redéploiement du « Made in Algeria«
Le véritable enjeu de cette foire, c’est de redéfinir la place de l’Algérie dans les échanges interarabes. Le pays dispose d’un potentiel industriel sous-exploité, notamment dans les secteurs de l’agroalimentaire et des matériaux de construction. Si les conditions sont réunies, l’Algérie peut devenir un fournisseur crédible et compétitif pour les pays du Golfe, en particulier dans une conjoncture où ces derniers cherchent à diversifier leurs partenariats commerciaux.
Le label « Made in Algeria » doit devenir un vecteur de qualité, de sérieux et d’innovation, et non plus un simple slogan administratif. Cela passe par un effort collectif : les entreprises doivent monter en gamme, les institutions doivent soutenir davantage, et les salons comme celui du Qatar doivent devenir des étapes fixes dans le calendrier économique national.
Un futur qui se joue maintenant
La prochaine édition de la foire des produits algériens au Qatar, en préparation depuis plusieurs mois, sera un test. Un test pour l’administration, pour les entreprises, et pour la vision économique algérienne. Il ne s’agit pas seulement de vendre des produits, mais de poser les bases d’un partenariat durable avec un marché-clé du monde arabe.
L’avenir de l’économie algérienne se dessine dans cette capacité à se projeter au-delà de ses frontières, à se rendre visible, compétitive et adaptable. Le Qatar offre cette opportunité, encore faut-il la saisir pleinemen.