Le Salon international du textile, du tissu et de l’habillement qui se tient actuellement à la SAFEX d’Alger illustre cruellement l’état réel du secteur textile algérien. Cette édition 2025 a vu une affluence exceptionnelle d’exposants turcs et chinois, tandis que les acteurs locaux peinent à se faire entendre. Sur une vingtaine d’entreprises participantes, seules trois sont algériennes, ce qui en dit long sur la paralysie persistante de ce secteur stratégique pour l’économie nationale.
Mustapha Bennabi, porte-parole d’Ellipsis, entreprise de tissage industriel basée à Boudouaou et leader national avec plus de 40% de la production locale, déplore cette situation : « C’est vraiment triste de voir la participation algérienne réduite à quelques entreprises, alors que ces exposants sont principalement là pour vendre des machines ». Son entreprise, créée en 2018, a grandi malgré les obstacles, notamment l’absence de terrain industriel dédié, les obligeant à louer un espace. Mais l’ambition reste intacte : « On ne va pas s’arrêter là, on veut se propulser dans l’avenir ».
Le talent local, entre résilience et isolement
Le témoignage d’Ibrahim, petit-fils du fondateur de la société Tesnime Salon, basée à Ghardaïa, souligne aussi les défis : « Nous travaillons surtout par commandes et via les réseaux sociaux. Nous envisageons désormais d’exporter vers l’Europe et l’Asie, des marchés essentiels. » Un signe encourageant pour une économie qui doit impérativement diversifier ses débouchés.
Cependant, cette détermination locale se heurte à une réalité bien plus rude. Un exposant anonyme révèle que les importateurs turcs ont littéralement envahi le marché national avec des produits fabriqués chez eux, créant une concurrence déloyale presque insurmontable pour les entreprises algériennes, en particulier pour celles, anciennes usines étatiques, qui ont depuis longtemps disparu ou végètent, à l’image du complexe DBK à Tizi Ouzou.
Les enjeux d’une relance qui tarde
L’Algérie, se sachant dotée d’un potentiel humain et industriel considérable, fait face ici à un paradoxe, l’ouverture du marché à des puissances étrangères sans une politique concrète pour protéger et développer son tissu industriel. Si l’État veut réellement relancer l’industrie locale, il doit imposer aux entreprises étrangères présentes de s’implanter durablement dans le pays.
La création de valeur et d’emplois passe aussi par plus de facilité pour les entrepreneurs algériens. Cela suppose la disponibilité en matières premières à des prix compétitifs, l’octroi rapide de terrains dans les zones industrielles, et un soutien structurel aux jeunes porteurs de projets innovants comme Mustapha Bennabi.
Un secteur clé pour l’avenir économique de l’Algérie
Le salon à Alger représente une vitrine internationale importante, mais il ne doit pas masquer une fragilité intérieure inquiétante. Le textile est un secteur qui porte un énorme potentiel de croissance, de valorisation culturelle et de création d’emploi. Son développement doit dépasser la simple exposition commerciale pour devenir un levier réel de diversification économique.
Les autorités doivent agir en urgence, non seulement pour encourager les talents locaux, mais aussi pour équilibrer la concurrence, promouvoir l’innovation et construire une industrie textile performante et compétitive à l’échelle internationale.