Une poignée de citoyens et de militants – dont des cadres du Mouvement de la Société pour la Paix (MSP) – ont tenté, le week end dernier à Alger de répondre à l’appel mondial « Stop Starving Gaza », lancé pour dénoncer le blocus alimentaire imposé à la bande de Gaza. Tandis que des mobilisations ont eu lieu dans de nombreuses capitales, l’Algérie s’est distinguée par son silence et sa répression.
Répression discrète d’un besoin de solidarité
Les rassemblements spontanés ont été rapidement dispersés par les forces de l’ordre. Des interpellations ont eu lieu avec PV d’audition chez la police. Aucune autorisation n’a été délivrée, aucun média public n’en a parlé. À l’inverse, de Chicago Tunis, Bruxelles ou Santiago, ou des foules ont défilé pour dénoncer une famine qualifiée de crime contre l’humanité par plusieurs ONG et institutions. Même à Tel Aviv, des Israéliens manifestent contre les privations infligées à Gaza. En Algérie, les rues sont restées vides.
Affaiblie par la répression post-Hirak, la société civile algérienne n’a pas pu exprimer son soutien à la cause palestinienne, pourtant ancrée dans l’imaginaire collectif. Pas de banderoles, pas de prières collectives, pas de sit-in symbolique devant l’ambassade américaine. Le pouvoir a verrouillé toute expression populaire.
Une diplomatie à deux vitesses
L’Algérie continue pourtant d’afficher son engagement pour la Palestine sur la scène internationale. Au Conseil de sécurité, elle a été à l’initiative de plusieurs résolutionscondamnant Israël et exigeant un cessez-le-feu. Alger reçoit régulièrement des représentants du Hamas et brandit la cause palestinienne comme un pilier de sa diplomatie en continuité de son ADN anti-colonial.
Mais à l’intérieur, toute tentative de mobilisation autonome est perçue comme suspecte. Les initiatives citoyennes, même humanitaires, sont étouffées. Même les partis islamistes proches du pouvoir sont surveillés lorsqu’ils veulent agir.
Le silence sur le rôle de l’Égypte dans l’asphyxie de Gaza est tout aussi révélateur. Le président al-Sissi n’autorise à approcher de la frontière que les convois en coordination avec l’Israel. Il a de fait participer à la fermeture à plusieurs reprises du poste-frontière de Rafah, empêchant les convois d’aide – notamment ceux partis du Maghreb – d’entrer dans Gaza. La caravane Soumoud, bloquée entre Libye et Égypte, en est l’un des exemples. Alger n’a émis aucune critique.
Autre silence remarqué : celui sur la politique menée par de Donald Trump , outrageusement pro-israélien, favorable à un déplacement de la population de Gaza. Aucune déclaration officielle n’a dénoncé les livraisons d’armes américaines à Israël ni les vétos posés par Washington au Conseil de sécurité. Pas même la moindre allusion à un désaccord avec les États dans la communication présidentielle du 18 juillet dernier.
Une méfiance persistante envers la rue
À l’automne 2023, une grande journée de marches de soutien à Gaza avait pourtant été autorisées dans plusieurs villes algériennes. Encadrées par les autorités, elles s’étaient déroulées sans heurts et avaient rassemblé des milliers de personnes. Elles montraient que la solidarité avec la Palestine transcende les divisions politiques.
Depuis, le climat s’est durci. Le pouvoir redoute toujours que ces mobilisations ne ravivent l’esprit du Hirak ou une colère sociale plus large. Les interrogatoires des interpellés du week end dernier débutaient invariablement par la question, « est ce que vous participiez aux marches du Hirak ? » Toute action non encadrée est perçue comme une menace.
Aujourd’hui, pendant que des citoyens israéliens dénoncent la famine imposée à Gaza, les Algériens sont empêchés de s’exprimer. En étouffant leur voix, les autorités du pays se mettent dangereusement en porte à faux avcc la principale cause qu’il prétendent défendre, à un moment planétairement névralgique face au genocide.