Malgré la multiplication des services financiers numériques dans la région MENA, des millions de personnes restent à l’écart. Et pour cause : le coût des smartphones, les zones sans accès data et des réglementations qui ferment la porte aux plus précaires.
Les applications de paiement et les wallets mobiles se multiplient dans toute la région MENA. Mais entre l’offre qui explose et les usagers réels, le fossé reste béant. La Banque mondiale vient de croiser ses données Global Findex avec son nouvel indicateur Digital Connectivity Tracker. Dans cette partie du monde, la fracture numérique se traduit directement en fracture financière.
Dans les pays du Golfe, plus de 85% de la population possède un smartphone. Ailleurs dans la région, beaucoup utilisent encore des téléphones basiques, incapables de faire tourner une application bancaire. Or la quasi-totalité des services financiers numériques passent par iOS ou Android. Ceux qui n’ont qu’un vieux Nokia sont tout simplement hors jeu, limités aux SMS ou à l’USSD quand ça existe encore.
Les pauvres paient plus cher
Le problème ne se limite pas à l’équipement. Entre zones urbaines et rurales, entre hommes et femmes, entre riches et pauvres, les écarts se creusent. Un smartphone d’entrée de gamme représente plusieurs semaines de salaire dans les pays à revenu intermédiaire. Les forfaits data restent chers pour les ménages modestes. Aussi, les services numériques touchent-ils surtout ceux qui ont déjà un compte en banque, pas ceux qui en auraient le plus besoin.
La réglementation ajoute une couche de complexité. Dans plusieurs pays de la région, impossible d’activer un service financier mobile sans carte SIM enregistrée à son nom et vérification d’identité. Les règles anti-blanchiment et anti-terrorisme excluent automatiquement tous ceux qui n’ont pas de papiers en règle ou dont les documents ne sont pas reconnus. Une partie de la population se retrouve coincée à la porte du système.
Il y a aussi la question de l’alphabétisation numérique. Savoir naviguer dans une application, comprendre un flux de paiement, gérer ses codes d’accès : tout cela ne va pas de soi. Certains n’utilisent les services financiers qu’à travers le téléphone d’un proche, ce qui les empêche d’avoir un accès personnel et sécurisé.
Un marché à deux vitesses
Le marché de la fintech dans la région avance à plusieurs vitesses. Les pays qui combinent 4G/5G généralisée, identité numérique déployée et smartphones dans toutes les poches voient les usages décoller. Ailleurs, les services existent sur le papier mais touchent une minorité. Les startups fintech doivent souvent passer par les opérateurs télécoms pour espérer élargir leur base d’utilisateurs.
Pour la Banque mondiale, l’inclusion financière numérique ne se décrète pas. Elle dépend d’un alignement entre équipement, identification accessible, prix de la connectivité et compétences de base. Tant que ces conditions ne sont pas réunies, la finance numérique restera un privilège pour ceux qui sont déjà dans le système.