En Algérie, le commerce des fleurs et des plantes ornementales n’est pas simplement une activité économique : c’est le reflet d’un art de vivre et d’une tradition ancrée. À Blida, surnommée la « ville des Roses », foires et marchés célèbres chaque printemps la richesse du patrimoine floral algérien. Mariages, fêtes familiales, cérémonies ou simple besoin d’embellir son quotidien : les plantes et les fleurs occupent une place importante dans le cœur des Algériens et rythment toutes les étapes de la vie.
Un marché en pleine croissance malgré l’ombre des incertitudes
Les estimations du secteur, faute de chiffres officiels précis, concordent : la demande pour les fleurs et plantes d’ornement est en hausse. Tirée par l’urbanisation, l’événementiel et un goût croissant pour la décoration intérieure et les espaces verts, la filière floricole s’inscrit dans la dynamique plus globale d’un secteur agricole national pesant 4,86 milliards USD en 2024. Les perspectives sont prometteuses, avec une croissance annuelle attendue d’environ 4 %, bien que la partie spécifique du marché des fleurs reste difficile à isoler.

Le segment strictement dédié au marché des fleurs (coupées, plantes ornementales, bulbes) reste lui plus restreint. En général, dans des pays à profil agricole proche, le marché des fleurs compte pour environ 5% à 10% de l’horticulture totale. Cela situerait la taille du marché des fleurs en Algérie pour 2024, dans une fourchette large se situant entre 7 milliards à 20 milliards de dinars algériens.
La fièvre de l’import : comment le Kenya parfume l’Algérie
La production nationale ne suffit pas à couvrir la diversité et l’exigence qualitative du marché. Ainsi, l’Algérie s’appuie sur l’importation, particulièrement en provenance du Kenya, premier exportateur africain de fleurs coupées, notamment de roses. Cette bouffée d’exotisme a transformé les étals d’Alger, Oran et Constantine – mais au prix fort. Les fleurs kenyanes, débarquant sur le territoire en moins de 24 h, atteignent facilement 200 DA la tige, le double, voire le triple du prix d’une espèce locale. Cette dépendance expose la filière à la préférence du dollar, aux charges logistiques élevées et aux turbulences réglementaires mondiales.
Les prix montent en flèche : entre parfum d’exotisme et réalité du pouvoir d’achat
En 2025, les tendances tarifaires reflètent cette dualité. Les fleurs locales en pot se montent entre 150 et 450 DA, avec des pots à 4 000 DA pour les variétés rares. À l’importation, une rose kenyane se négocie entre 150 et 200 DA pièce, particulièrement lors des périodes de forte demande (Saint-Valentin, 8 mars, Fête des mères).Globalement, les tarifs de gros fluctuent entre 353 DZD/kg et le tarif de gros le plus élevé, soit près de 1000 DZD/kg, pour le haut de gamme.

La hausse des prix résulte principalement de l’augmentation des frais de transport, du coût du fret aérien et des charges douanières. À cela s’ajoute l’impact de la fluctuation du dinar face au dollar et de la concurrence pour la qualité entre les fleurs locales et importées.
Un marché d’avenir : défis, résilience et inspirations
Pour rester compétitif, le marché algérien se doit relever plusieurs défis : structuration professionnelle de la filière, investissement dans la logistique du froid, organisation de réseaux de distribution plus efficaces, et mise en avant de la richesse botanique locale. La dépendance à l’importation, si elle permet de répondre rapidement aux besoins du marché, accentue la fragilité du secteur face aux crises logistiques et financières mondiales.
Le retour à une « fleur made in Algérie », portée par des villes comme Blida, séduit une nouvelle génération de consommateurs en quête d’authenticité écologique et de prix plus accessible. Si la route reste longue pour moderniser et structurer la filière, l’Algérie peut compter sur la vitalité de ses traditions et surtout sur la « modernisation » de ces dernières.
Le marché des fleurs en Algérie oscille entre expansion, dépendance à l’international et volonté de valorisation locale. Un parfum d’opportunités souffle sur ce secteur… pour peu qu’on sache cultiver, dans la durée, savoir-faire et ambitions.