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Gazoduc Transsaharien : le cabinet américain NARCO démonte l’argument sécuritaire

Par Lynda NACER 3 décembre 2025

Dans la bataille des gazoducs qui oppose Alger à Rabat, la menace djihadiste au Niger fait figure d’arme fatale pour discréditer le projet Transsaharien. Et si ce n’était qu’un argument politique sans fondement technique ? C’est la conclusion du cabinet américain North Africa Risk Consulting, dont l’analyse vient bousculer les idées reçues sur la viabilité de ce corridor énergétique.

L’affrontement pour acheminer le gaz nigérian vers l’Europe se joue autant sur le terrain diplomatique que technique. D’un côté, l’Algérie pousse son Gazoduc Transsaharien (TSGP). De l’autre, le Maroc défend son projet atlantique. Au centre de cette lutte d’influence, une critique revient systématiquement pour disqualifier l’option algérienne : l’instabilité chronique au Sahel. Les détracteurs du projet pointent la présence de groupes armés au Niger pour affirmer que cette infrastructure est impossible à sécuriser. Pourtant, le cabinet North Africa Risk Consulting (NARCO) qualifie ces craintes d’« exagérées » dans une récente analyse. Il faut regarder la réalité opérationnelle en face plutôt que de céder à la panique.

La protection par l’enfouissement

L’erreur d’analyse la plus courante consiste à percevoir le gazoduc comme une cible vulnérable sur l’intégralité de son tracé. Cette vision est fausse. La réalité technique du TSGP est celle d’une infrastructure terrestre qui sera enfouie sous terre. Comme le souligne l’expert Geoff Porter, cet enfouissement constitue la première et la meilleure protection du dispositif. Un pipeline recouvert de plusieurs mètres de sable n’offre aucune prise à des attaques opportunistes.

Il ne s’agit pas d’une infrastructure de surface exposée que n’importe quel groupe armé pourrait endommager lors d’un raid rapide. Saboter un tel tube dans le désert exige une logistique lourde et des moyens techniques importants. Ces prérequis ne sont pas à la portée du premier groupe venu. L’analyse technique démonte ainsi l’idée d’un sabotage facile et fréquent qui paralyserait les flux gaziers.

Le rapport de NARCO ne nie pas l’existence de risques, mais il les circonscrit avec précision pour permettre leur gestion. Le rapport identifie que « les seuls points vulnérables » sur ce tracé d’un millier de kilomètres sont les stations de compression. Ces installations industrielles sont indispensables pour maintenir la pression du gaz et le propulser vers le nord. Contrairement au tube linéaire invisible, ce sont des sites fixes et identifiés.

Cette caractéristique est paradoxalement un atout pour la sécurité. C’est précisément parce que ces points sont localisés qu’ils peuvent être sécurisés efficacement. Geoff Porter insiste sur le fait que ces stations « peuvent être protégées » par des dispositifs militaires adéquats. La surveillance ne doit pas s’exercer sur chaque mètre de désert, ce qui serait impossible, mais doit se concentrer sur ces nœuds stratégiques. La mission de sécurisation devient alors une opération de protection de sites statiques, une tâche classique pour des forces armées.

LIRE AUSSI : LE GAZODUC NIGERIA-MAROC, UN PROJET À 38 MILLIARDS SANS CLIENT AU BOUT

L’ingénierie face au marketing

Si la faisabilité technique de la sécurisation semble acquise pour les experts, la persistance de l’argument de la peur interroge. L’analyse suggère que cette inquiétude sert avant tout la narrative du projet concurrent. Le Maroc propose un gazoduc offshore qui contourne le Sahel par l’Atlantique. Rabat utilise le marketing pour vendre son infrastructure comme un vecteur de stabilité et de développement. Cette stratégie repose sur une opposition implicite avec l’instabilité de la route transsaharienne.

Pourtant, le pragmatisme économique et technique semble pencher du côté du tracé terrestre. Le projet algérien présente une complexité d’ingénierie bien inférieure à celle de son rival. La pose de conduites sous-marines sur de longues distances est une opération difficile et coûteuse. À l’inverse, le TSGP ne nécessiterait a priori qu’une seule nouvelle station de compression pour traverser le Niger. L’ingénierie terrestre est qualifiée d’« infiniment plus facile » par les spécialistes.

Le profil de risque technique et financier du projet algérien est donc bien inférieur à ce que l’épouvantail sécuritaire laisse croire. La menace sécuritaire existe certes, mais elle est gérable par des moyens conventionnels.

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