Le président Abdelmadjid Tebboune a signé deux décrets présidentiels à l’occasion du 63e anniversaire de l’indépendance nationale. Ces mesures de clémence, prises après consultation du Conseil supérieur de la magistrature, bénéficient à près de 6 800 détenus. Toutefois, la lecture détaillée des exclusions révèle que certains détenus n’échapperont pas à leurs peines.
Le premier décret concerne 6 500 détenus ordinaires, tandis que le second s’adresse spécifiquement aux 297 prisonniers ayant obtenu des diplômes d’enseignement ou de formation durant l’année scolaire 2024-2025. Ces derniers avaient notamment réussi l’examen du brevet d’enseignement moyen et attendaient les résultats du baccalauréat.
Cette tradition de la grâce présidentielle du 5 juillet permet habituellement à des milliers de détenus de retrouver la liberté. En 2023, 8 500 prisonniers ont retrouvé la liberté après la grâce présidentielle. L’ampleur de ces mesures de clémence dépend généralement du contexte politique et social du moment.
Une liste d’exclusions particulièrement restrictive
Les termes du décret présidentiel établissent une liste exhaustive des crimes et délits non concernés par cette mesure. Les exclusions touchent d’abord les crimes de sang : terrorisme, assassinat, homicide involontaire résultant de coups et blessures volontaires, mutilations permanentes, agressions sur ascendants ou mineurs, viols et enlèvements.
S’ajoutent à cette liste les crimes économiques, à savoir corruption, blanchiment d’argent, évasion fiscale, infractions de change, contrefaçon monétaire, contrebande, spéculation illicite et fraude commerciale. Le décret exclut également les atteintes aux systèmes informatiques visant la défense nationale ou les institutions publiques.
Plus significatif encore, le texte exclut explicitement les « attentats et complots contre l’autorité de l’État et l’intégrité et l’unité du territoire national », ainsi que les crimes de « publication et diffusion de nouvelles ou informations portant atteinte à l’ordre et à la sécurité » et les « crimes de discrimination et discours de haine ».
Ces dernières catégories concernent directement les affaires récentes qui ont défrayé la chronique. La Cour d’Alger a rendu ce mardi 1er juillet son verdict dans le procès en appel de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. L’auteur de « 2084 » a été condamné à cinq ans de prison ferme pour ses déclarations controversées. De même, Mohamed Lamine Belghit est condamné à 5 années de prison ferme et une amende de 500.000 dinars après ses propos tenus sur Tamazight sur une chaîne de télévision émiratie.
Ces deux condamnations récentes, prononcées à quelques jours d’intervalle, font que leurs auteurs ne peuvent prétendre à la grâce présidentielle. Leurs crimes tombent sous le coup des exclusions relatives aux atteintes à l’unité nationale et à la diffusion d’informations portant atteinte à l’ordre public.
L’avocat Abdelghani Badi plaide pour l’élargissement de la grâce aux détenus d’opinion
Dans ce contexte, l’avocat Abdelghani Badi a publié un message sur son compte Facebook appelant à une approche plus inclusive de la grâce présidentielle. “La sagesse et la raison exigent la libération de tous les prisonniers d’opinion, et le début d’une nouvelle ère avec les libertés en ce jour de liberté et d’indépendance, pour construire cette patrie que nous avons tant tardé à faire prospérer”, a-t-il écrit.
Cette déclaration intervient alors que plusieurs observateurs s’interrogent sur l’opportunité d’exclure les détenus d’opinion de la grâce traditionnelle du 5 juillet. L’avocat souligne l’importance symbolique de cette date pour envisager une réconciliation nationale plus large, incluant ceux qui sont poursuivis pour leurs opinions ou leurs déclarations publiques.