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Hassi Messaoud, le pétrole et les mirages du désert (Reportage)

Par Ahmed Gasmia
16 novembre 2018

Dépaysante et familière à la fois, Hassi Messaoud ne ressemble en rien aux autres villes du pays. Cette commune, officiellement la plus riche d’Algérie, n’a rien de réellement typique. Et de sa richesse on ne voit que très peu de signes apparents.

Plantée dans le désert, à plus de 800 kilomètres au sud d’Alger, Hassi Messaoud est née autour d’un puits d’eau creusé en 1917. Mais ce sont ses puits de pétrole qui la feront vivre et s’épanouir. Plus tard, ils finiront par menacer son existence même.

« Il y a du pétrole sous les immeubles à Hassi Messaoud », nous dit Karim cadre dans une multinationale et accessoirement guide d’un jour pour Maghreb Emergent. Une affirmation qui témoigne à la fois de la richesse de la commune et de la menace qui pèse sur elle.

De fait, la ville a failli disparaître à cause des nombreuses installations pétrolières qui l’entourent. En 2005, elle a été classée, par décret, « zone à risques majeurs ».

En vertu du décret 05/127, elle devait tout simplement disparaître et ses habitants relogés dans une nouvelle ville, 80  kilomètres plus loin et dont les travaux ont été lancés il y a une dizaine d’années. Travaux qui se poursuivent toujours.

Depuis quelque temps, toutefois, les choses ont changé. On ne parle plus réellement de détruire la ville, ni de reloger ses habitants, mais de faire de la future nouvelle ville une extension à l’ancienne. Le maire de Hassi Messaoud, Mohamed Yacine Bensaci avait déclaré à la presse, en janvier dernier, qu’il n’était plus question de rayer l’ancienne ville de la carte. Mais aucun nouveau décret concernant Hassi Messaoud n’a été adopté en remplacement de celui de 2005. Et rien n’indique que la menace des installations pétrolières a disparu.

Changement de situation

« Avant 2013, la situation à Hassi Messaoud était très difficile, à cause du décret de 2005. On ne pouvait ni vendre ni acheter un terrain ou  une maison, ni lancer des travaux de quelque nature que ce soit car la ville elle-même était vouée à la disparition», nous explique notre guide. « Mais à partir de 2013, la situation a commencé à changer et les choses sont devenues un peu moins rigides. Après des années d’attente, il y a eu comme un relâchement de la part des autorités, et on a vu des biens se vendre et de nouvelles habitations apparaitre dans la vielle ville.  Même l’APC a réussi à lancer des projets et à tracer de nouvelles routes menant vers le centre-ville, ce qui était impossible auparavant », poursuit notre interlocuteur. « Les habitations illicites ne sont pas rares dans la ville et beaucoup de gens ne prennent plus la peine de demander des autorisations avant de lancer des travaux de construction », nous dit-il également.

Ce qu’il faut savoir, à ce propos, c’est que décret 05/127 limitait la marge de manœuvre de l’APC qui devait, à chaque démarche importante, consulter un conseil formé de membres des services de sécurité, de représentants de la daïra, de la wilaya, du ministère de l’Energie et de Sonatrach. Tous les projets pouvaient être potentiellement risqués dans cette ville où les installations pétrolières se trouvent à proximité des zones habitées.

La nouvelle ville  progresse à un rythme « acceptable » à en croire Abdelkader Djellaoui, le wali d’Ouargla dont relève la commune de Hassi Messaoud. Rencontré en marge du salon Hassi messaoud Expo, organisé fin octobre dernier, M. Djellaoui avait parlé d’un taux d’avancement de 50%, sans donner davantage de détails.

Hassi Messaoud se porte un peu mieux

« Lorsque la situation du marché pétrolier mondial s’améliore, Hassi Messaoud se porte mieux ». Cette phrase est celle de Djafer Yacini, directeur général de Petroliuem industry communication, organisateur du salon spécialisé dans l’industrie pétrolière Hassi Messaoud Expo.

« Entre les années 2015 et 2017, il y a eu une crise liée à la baisse des prix du pétrole au niveau du marché mondial. Mais aujourd’hui, les affaires reprennent et c’est pour cela, d’ailleurs, que le nombre de participants au salon a augmenté, cette année », a-t-il expliqué à Maghreb Emergent.

« Après une période de stagnation, les choses reprennent vraiment. En termes de projets, les choses bougent aussi bien du côté de Sonatrach que du côté de ses filiales. Le business est en train de redémarrer au niveau mondial dans le domaine des hydrocarbures et cela se ressent ici, en Algérie », a-t-il ajouté.

L’amélioration de la situation du marché pétrolier a un impact autrement plus concret à Hassi Messaoud  que dans le reste du pays. Karim Mohellebi, cadre dirigeant à Red Sea Housing services Algeria, dont la filiale algérienne est basée à Hassi Messaoud nous explique les choses simplement. « Lorsque le prix du baril monte, Sonatrach et ses partenaires lancent de nouveaux projets dans la région et cela implique l’arrivée davantage d’employés et de techniciens sur le terrain. Tous ces gens ont besoin d’être logés et nourris et cela fait travailler les entreprises spécialisées dans ces domaines et une multitude d’autres intervenants », dit-il. L’impact se fait ressentir jusque chez le commerçant de fruits et légumes de la ville de Hassi Messaoud qui voit la demande augmenter sur ces produits. Les groupes pétroliers, toutes les entreprises qui gravitent autour d’eux et les nombreuses bases vie qui se trouvent dans la région peuvent être de grands consommateurs de produits alimentaires en tous genres, de quoi dynamiser la vie économique de la ville.

« Après la chute du prix du pétrole, il y a eu un ralentissement sur tous les plans, à Hassi Messaoud, mais là, nous commençons à voir les choses s’améliorer peu à peu », explique M. Mohellebi.

Dans cette ville qui dépend de Sonatrach et de ses partenaires internationaux, la prospérité est un produit directement dérivé du pétrole, dans ses meilleurs jours. Une prospérité aussi incertaine que les prévisions du marché mondial et parfois même un mirage.

Mais quelques habitants de la région ont tenté de vivre en dehors de ce schéma, en se lançant dans des aventures à contre-courant comme c’est le cas de Said Harzallah qui après avoir travaillé pendant des années à Naftal s’est tourné vers l’agriculture. Chose rare dans la région. Profondément marqué par un discours de l’ancien président, Houari Boumediène qui avait dit, en 1971, que l’avenir était dans le pétrole vert, autrement dit, l’agriculture, Harzallah a décidé de devenir agriculteur. Un objectif qu’il réalisera quelques décennies plus tard en créant une plantation, en plein désert à l’écart de la ville et des installations pétrolières. Plantation qu’il a baptisé tout naturellement « Pétrole vert ». Une expérience inspirante.

A Hassi Messaoud, ville teinte aux couleurs du désert, le sable est omniprésent. Il  envahit régulièrement les routes, les trottoirs et les infrastructures pétrolières. Et tout autour, les bases vie, les entreprises comme les infrastructures hôtelières, entourées de hautes murailles et solidement gardées, donnent l’étrange impression d’être là temporairement.

Tout comme la ville elle-même. D’abord menacée de disparition, Hassi Messaoud est, à présent, dans une situation d’attente, puisque, aujourd’hui encore, personne ne semble réellement fixé sur son avenir. On continue à vivre comme on peut, en espérant voir Sonatrach lancer encore de nouveaux projets.

Un peu plus loin, une nouvelle ville prend forme et avec elle de nombreuses interrogations. Un grand chantier pour certains, pour d’autres, un autre mirage.

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