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IT (Information & Technology)

Hind Benmiloud, avocate : « Le virage numérique de l’Algérie passe d’abord par une révolution juridique »

Par Yazid Ferhat
31 octobre 2015
Me Hind Benmiloud, avocate/ Ph: N.Rondeleux

Avocate d’affaires depuis près de 25 ans, Hind Benmiloud s’intéresse au droit des nouvelles technologies de l’information et des communications (TIC) dès 1994 « à l’époque où Internet n’existait pas encore en Algérie ». Interrogée sur les sujets d’actualité de l’internet et du numérique, Me Hind Benmiloud dit espérer que « la réforme de la loi de 2000 soit le chantier prioritaire de la nouvelle ministre des TIC, Houda Imane Faraoun ». Entretien.

 

 

L’Algérie vient de sortir de cinq jours de déconnexion d’Internet à cause d’une coupure de câble de fibre optique. Quelle leçon tirer de cette mésaventure qui a handicapé le pays pendant près d’une semaine ?

 

Cette coupure fait réfléchir à la dépendance de l’Algérie à son réseau de fibre optique. Comment sortir de cette dépendance, sachant que cet incident a été provoqué par le fait que 80% du trafic Internet de l’Algérie passe par le câble Annaba-Marseille. Il faut espérer que cette coupure, qui a occasionné des dommages économiques certains, pousse à une prise de conscience collective, à la fois au niveau des autorités et de la société civile, et accélère la prise en charge de l’économie numérique. Cette politique globale d’économie numérique doit devenir une préoccupation nationale. Les ressources humaines existent, de très bonne qualité même, il faut à présent le cadre juridique qui l’accompagne.

 

Hasard du calendrier, au moment où internet tourne au ralenti, le think tank NABNI (Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées) organise un atelier TIC intitulé « Quel virage numérique pour l’Algérie ? » auquel vous avez participé avec d’autres acteurs de la filière technologique. Quelle est la place du juridique dans ce plan pour le pays?

 

La révolution numérique en Algérie est d’abord juridique avant d’être technique. La technologie évolue à une allure très rapide mais pas les textes de loi. Et cet écart se creuse d’années en années. Dans le cadre du plan de modernisation de l’administration, par exemple, l’Algérie s’est lancée dans la numérisation et le passage au biométrique mais rien n’a accompagné cette transition au plan juridique. Or, ces nouvelles technologies touchent aux données personnelles dont aucun texte aujourd’hui en Algérie ne réglemente leurs transferts hors du territoire algérien.  Je me bats depuis des années pour dire que la stratégie juridique doit être la première mise en place. Avant de lancer toutes les technologies de nouvelle génération comme la 3G, la 4G, le cloud, etc.,  il faut penser à installer des commissions chargées de réfléchir à leur encadrement juridique.

 

Le 12e Salon MED-IT Algérie propose plusieurs ateliers et conférences autour des questions de confidentialité et sécurité numériques. L’accent sur ces deux problématiques qui vous sont chères est-il révélateur des préoccupations actuelles ?

 

Cela fait déjà cinq ans que j’ai commencé à tirer la sonnette d’alarme, avec d’autres organismes tels que le cercle de réflexion autour de l’entreprise CARE et le World Trade Center Algeria, sur ces phénomènes qualifiés aujourd’hui de cybercriminalité : fraude, piratage, détournements de fonds, atteinte à la e-réputation, etc. Dès 2014, nous avons attiré l’attention des entreprises sur l’absolu nécessité de se protéger. Pour cela, nous les avons sensibilisées à la notion de « patrimoine informationnel de l’entreprise » – à savoir que tous les fichiers des clients et données du personnel représentent des actifs virtuels de l’entreprise – et à la mise en place d’une charte informatique entre l’employeur et ses employés. Prenons par exemple le cas d’un informaticien qui travaille pour une entreprise : un jour un litige intervient et il décide de s’en aller en emportant avec lui tout le fichier client qu’il va aller vendre à la concurrence. Si aucune charte informatique sur la confidentialité des données de l’entreprise n’a été signée auparavant, l’entreprise ne peut pas se défendre. Parallèlement à ce travail de sensibilisation, il est important de renforcer le dispositif législatif en matière de protection et de confiance dans l’économie numérique. Des avancées ont déjà été accomplies avec la loi de 2009 sur « La lutte et la prévention contre les infractions liées aux technologies de l’information » qui consacre la cybercriminalité. Et deux nouveaux textes sont en préparation: un sur la protection des données et un sur l’utilisation de tout ce qui est numérique et digital.

 

Quelles sont vos recommandations pour l’avenir proche ?

 

L’urgence est déjà de réformer la loi 2000-03 sur la poste et les télécommunications. Tout un chantier de consultation a été lancé en 2007 mais la loi n’est jamais sortie et a été annulée. A ce propos, je déplore l’absence de continuité entre les ministres : chaque ministre des télécoms qui prend la relève de son prédécesseur relance un nouveau chantier sans prendre en considération le bon travail déjà effectué. Il faut espérer que la réforme de la loi de 2000 soit le chantier prioritaire de la nouvelle ministre des TIC, Houda Imane Faraoun. Je reste aussi persuadé que la création d’une agence de sécurité numérique en tant qu’organe indépendant composé d’experts de différents ministères et dans les technologies est aujourd’hui une étape indispensable.

 

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