Ihsane El Kadi : 600 jours derrière les barreaux, la liberté de la presse en otage | Maghreb Émergent

M A G H R E B

E M E R G E N T

Actualités

Ihsane El Kadi : 600 jours derrière les barreaux, la liberté de la presse en otage

Par Maghreb Émergent
22 mars 2023

Aujourd’hui marque un triste anniversaire pour le journalisme algérien. Ihsane El Kadi, figure emblématique de la presse indépendante, boucle ses 600 jours de détention. Son crime ? Avoir osé exercer son métier dans un pays où la liberté d’expression est devenue un luxe dangereux.

L’affaire El Kadi est un symbole criant de la répression qui s’abat sur les voix dissidentes en Algérie. Arrêté en décembre 2022, ce directeur de médias a vu sa vie basculer pour un simple article d’analyse politique. La justice l’a condamné à sept ans de prison, dont cinq fermes, pour « financement étranger de son entreprise ». Une accusation aussi vague que commode pour faire taire les gêneurs.

La chronologie de cette affaire est un véritable chemin de croix judiciaire. Perquisitions, fermeture de ses médias, détention provisoire, procès expéditif. Chaque étape semble avoir été minutieusement orchestrée pour briser un homme et, à travers lui, intimider toute une profession. Le 12 octobre 2023, l’ultime espoir s’est envolé avec le rejet du pourvoi en cassation par la Cour suprême. Et pourtant, l’article 54 de la Constitution algérienne, adoptée en novembre 2020, garantit la liberté de la presse. 

Mais El Kadi n’est pas seul. Depuis 2019, plus de seize journalistes ont été inquiétés et mis sous poursuites judiciaires. Plusieurs journalistes ont été arrêtés et condamnés à l’instar de Khaled Drareni, Rabeh Karéche, Hassan Bouras et Mohamed Mouloudj, arrêtés par les forces de l’ordre et incriminés pour des chefs d’inculpation comme l’appartenance à une organisation terroriste, et/ou diffusion de fausses informations et l’atteinte à l’intégrité de l’unité nationale selon les dispositions de l’article 87 bis.

Le cas d’El Kadi a suscité une vague de solidarité internationale sans précédent. Des prix Nobel comme Dmitri Mouratov, des icônes culturelles telles qu’Annie Ernaux et Ken Loach, des ONG de renom comme Reporters sans frontières et Amnesty International… Tous ont uni leurs voix pour exiger sa libération. Même le Parlement européen s’est saisi de l’affaire, mettant Alger face à ses responsabilités et engagements internationaux.

Cette mobilisation, aussi impressionnante soit-elle, se heurte pour l’instant au mur de l’intransigeance des autorités algériennes. Le régime, arc-bouté sur sa posture autoritaire, semble prêt à payer le prix fort en termes d’image pour maintenir son contrôle sur l’information.

L’emprisonnement d’El Kadi n’est que la partie visible de l’iceberg. C’est tout l’écosystème médiatique algérien qui est asphyxié. Les rédactions indépendantes ferment les unes après les autres, les journalistes s’autocensurent par peur des représailles. Plusieurs médias ont arrêté leur publication, contraints à l’autocensure, ce qui a également découragé les investisseurs de s’engager dans le secteur des médias privés. C’est notamment le cas du journal Liberté qui a joué un rôle central dans le paysage médiatique algérien depuis son lancement dans les années 1990. Le 6 avril 2022, la Société algérienne d’édition et de culture (SAEC) a décidé de fermer ce quotidien francophone algérien. 

Le 19 juin 2024 les journalistes de Radio M ont annoncé dans un communiqué la cessation de publication après la confirmation par la Cour d’appel d’Alger de la dissolution d’Interface Médias, entreprise éditrice de Radio M, la confiscation de tous ses biens saisis et une lourde amende.  Le silence s’installe, pesant et malsain.

Aujourd’hui, plus que jamais, le combat d’Ihsane El Kadi est le nôtre. 600 jours de trop derrière les barreaux. 600 jours de déni de justice. 600 jours qui sont une tache indélébile sur l’honneur de l’Algérie. Il est temps que cela cesse. La libération d’El Kadi serait un premier pas vers la réconciliation du pays avec ses valeurs démocratiques. En attendant, chaque jour qui passe est un jour de honte pour ceux qui bâillonnent la presse.

ARTICLES SIMILAIRES

Actualités

Béjaïa : La 21ᵉ Fête de la figue sèche de Beni Maouche s’ouvre jeudi

La 21ᵉ édition de la Fête de la figue sèche de Beni Maouche s’ouvre ce jeudi au chef-lieu de la commune du même nom, dans la wilaya de Béjaïa. Des… Lire Plus

Boualem Boualem
Actualités Algérie

Fin de mission pour Boualem Boualem à la présidence de la République

Un décret présidentiel, publié au Journal officiel n°68 daté du 14 octobre 2025, met fin aux fonctions de Boualem Boualem, conseiller auprès du président de la République chargé des affaires… Lire Plus

Actualités Algérie

Oran : démantèlement de deux réseaux de trafic de véhicules et falsification de documents

Les services de la cellule régionale de lutte contre le crime organisé d’Oran ont annoncé avoir démantelé deux réseaux opérant dans le trafic et la falsification de véhicules. L’opération, menée… Lire Plus

Actualités Algérie

Corruption industrielle : le procès du groupe Imetal reporté au 3 novembre

Annoncé comme l’un des plus importants procès économiques de l’année, le dossier du groupe public Imetal n’a finalement pas été ouvert lundi 20 octobre à Alger. L’audience, prévue devant le… Lire Plus

Actualités Économie

Tourisme : Tunisair réchauffe la saison froide avec 50 % de réduction

La compagnie nationale Tunisair mise sur la basse saison pour stimuler le tourisme. À l’occasion de son 77ᵉ anniversaire, elle lance une opération promotionnelle inédite : jusqu’à 50 % de… Lire Plus