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Ihsane El Kadi en prison : 500 jours déjà !

Par Maghreb Émergent 7 mai 2024

Le journaliste Ihsane El Kadi boucle aujourd’hui son cinq-centième jour de prison.

500 jours qu’il est injustement privé de liberté. Cette liberté qu’il n’a cessé de défendre des décennies durant contre l’arbitraire et les dérives autoritaires. Pour lui, mais aussi pour les autres : les opprimés, les détenus d’opinion et les victimes d’injustice.

Jusqu’à cette fin 2022, Ihsane El Kadi, journaliste accompli et professionnel jusqu’au bout des angles, est resté lui-même malgré un contexte politique défavorable marqué par une fermeture politique et un verrouillage médiatique sans précédent. Il est resté droit dans ses bottes malgré les intimidations, l’asphyxie financière de ses entreprises et le renoncement, voire la démission, par opportunisme, par peur ou lassitude, de nombre de ses confrères.

Radio M, la web radio dont il a été un des fondateurs, est demeuré l’un des rares espaces, sinon le seul, où pouvaient s’exprimer toutes les voix discordantes, toutes les tendances politiques, les voix marginales et ceux qui n’ont pas droit au chapitre. Aucun sujet n’était tabou pour lui.

Économiste de formation, il animait des émissions qui se sont imposées comme des références dans le décryptage des questions économiques grâce à des invités de qualité dont un prix Nobel  d’économie, Jean Tirole.

Au plan politique, les deux émissions phares « Café presse politique » et « 5 sur 5 » étaient devenues de véritables tribunes politiques où tous les sujets sont décortiqués, y compris les plus sensibles comme les relations entre la présidence et l’institution militaire. Durant le Hirak, ses médias se sont faits le devoir d’accompagner le mouvement en relayant toutes les manifestations et toutes les revendications populaires. Ce courage et sa foi inébranlable en un journalisme de qualité, s’ils ont suscité du respect auprès de l’opinion, ne l’ont pas cependant mis à l’abri des poursuites de la part d’un régime décidé à étouffer toute voix critique et hostile à toute expression libre.

Dans la nuit du 23 au 24 décembre 2022, en effet, des agents de la DGSI ont arrêté Ihsane El Kadi. Il passe plusieurs jours de garde à vue à la caserne « Antar » avant d’être placé le 29 du même mois en détention provisoire après sa présentation devant le procureur de la République du tribunal de Sidi Mhamed, à Alger. Le lendemain de son arrestation, la mise sous scellés des locaux de ses médias, Radio M et Maghreb Émergents, s’est faite sans qu’aucune autorisation du procureur n’ait été présentée.

Le 12 octobre 2023, Ihsane El Kadi, a atteint la fin de la route juridique. La Cour suprême, a rejeté ses appels dans deux affaires distinctes, dont l’une lui avait valu une peine de 7 ans de prison.

Il faut dire que cette incarcération n’est que le point final d’une série d’intimidations entamée depuis plusieurs mois et qui le ciblait particulièrement.

Ihsane El Kadi, a été placé sous contrôle judiciaire suite à une plainte de Amar Belhimer au titre de ministre de la communication qu’il était, pour un blog politique sur la place de Rached dans le Hirak en mars 2021. Deux  chefs d’inculpation ont été retenus contre l’auteur de l’article « atteinte à l’unité du territoire » et « publications portant préjudice à l’intérêt national . Dans cette affaire, le journaliste a été condamné, le 7 juin 2022, à six mois de prison ferme et 50 000 dinars d’amende.

Parallèlement à ces intimidations, le patron du laboratoire Merinal, Nabil Mellah, également actionnaire à Interface Médias, entreprise éditrice de Radio M a été condamné à 4 ans de prison ferme. Il est en détention depuis mai 2021.  

Pourquoi emprisonner ce journaliste, fils d’une grande figure révolutionnaire, et dont le seul tort et d’avoir fait son métier ? Car de l’avis de tous, comme en témoignent ces intellectuels étrangers tels que Noam Chomsky, Annie Ernaux, Arundhati Roy, Ken Loach, ou algériens comme Yasmina Khadra, Elias Zerhouni, et Noureddine Melikechi qui réclament sa libération ou encore ses avocats, le prétendu « financement étranger » n’est qu’un fallacieux argument pour masquer une volonté de faire taire une voix qui dérange.

Comme pour les autres détenus d’opinion, la place de Ihsane n’est pas en prison. Sa place est au milieu des siens, au sein de sa corporation où il a beaucoup à apporter au métier et au pays. Dans cette perspective, la prochaine fête d’indépendance peut être une opportunité pour les autorités de faire un geste en faveur de ces détenus injustement incarcérés. Ce serait non seulement un geste d’apaisement, mais soignera l’image du pays écornée ces dernières années. Ce sera un acte en faveur de personnes dont l’amour de la patrie n’est pas à démontrer.

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