El Kadi Ihsane ne pourra pas se rendre en Allemagne, ce mercredi 8 octobre, pour recevoir le Prix de la liberté et de l’avenir des médias 2025, décerné par la Fondation Sparkasse de Leipzig. Le journaliste algérien reste privé de son passeport, confisqué par la justice depuis plus de quatre ans.
La cérémonie, prévue demain, marquera le 25ᵉ anniversaire de cette distinction internationale. Elle se déroulera en présence du co-lauréat, le professeur allemand Michael Haller, honoré pour l’ensemble de son œuvre.
Annoncée en août 2025, la distinction rend hommage, selon la fondation, à « un journaliste qui, malgré les intimidations, continue de défendre une presse libre et indépendante en Algérie ». Ne pouvant quitter le pays, le cofondateur de Radio M et de Maghreb Émergent prononcera une allocution vidéo d’une dizaine de minutes, enregistrée à son domicile à Alger et diffusée durant la cérémonie.
Une procédure interminable et une liberté entravée
Le passeport d’El Kadi Ihsane lui a été retiré en avril 2021, dans le cadre d’une instruction judiciaire ouverte après la publication d’un article critique envers les autorités. Depuis, il n’a jamais été restitué.
À l’époque, le journaliste avait été placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de quitter le territoire. La répression s’est ensuite intensifiée après son arrestation dans la nuit du 22 au 23 décembre 2023, suivie de 22 mois de détention, de la mise sous scellés des locaux de Radio M et de la dissolution judiciaire de l’entreprise éditrice.
Malgré sa libération le 1er novembre 2024, ses avocats n’ont pas obtenu la levée de l’interdiction de sortie du territoire auprès du procureur général d’Alger. Cette situation illustre la persistance du harcèlement judiciaire visant les voix indépendantes. Un ancien ministre de la communication a même reconnu, sur le ton de la boutade, que les Algériens frappés d’une mesure d’interdiction de sortie du territoire national (ISTN) se comptaient par dizaines de milliers.
El Kadi Ihsane poursuit néanmoins son travail de chroniqueur au sein de Maghreb Émergent, s’efforçant avec ses collègues de maintenir vivant un espace d’information et de débat économique libre.
Un prix symbole de la liberté de la presse
Créé en 2001 par la Fondation Sparkasse de Leipzig, le Prix de la liberté et de l’avenir des médias distingue chaque année des journalistes, rédactions ou institutions défendant la liberté de la presse dans des contextes difficiles. Doté de 30 000 euros, le plus souvent partagés entre plusieurs lauréats, il a déjà récompensé des figures emblématiques telles qu’Anna Politkovskaïa, Jafar Panahi, Aslı Erdoğan ou le collectif d’investigation Correctiv.
En honorant Ihsane El Kadi, la fondation allemande rappelle que le combat pour une presse indépendante reste universel et que, souvent, « la liberté d’informer se mesure à ceux qui la paient le plus cher ».