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Kamel Benkhabecheche, économiste et conseiller en Investissement : « L’appréciation du dinar obéit à des facteurs conjoncturels externes »

Par Maghreb Émergent
1 octobre 2022

Depuis quelques semaines, le dinar s’est apprécié face à l’euro et, d’un degré moindre, au dollar. Cette situation, obéit, selon obéit, selon Kamel Benkhabecheche, à des facteurs conjoncturels externes, se rapportant essentiellement à la hausse des prix du pétrole sur les marchés mondiaux et à une nette appréciation du dollar par rapport aux autres devises. Dans cette interview, il est question d’analyser la valeur actuelle du dinar et ses possibles conséquences sur les comptes extérieurs.

La monnaie nationale connait une appréciation ces dernières semaines face au dollar et plus particulièrement face à l’euro. Selon vous, s’agit-il d’une appréciation qui obéit à des facteurs plutôt conjoncturels ou bien à une décision politique en vue de lutter contre l’inflation ?

Par rapport au début 2022, la monnaie nationale a connu une petite dépréciation (-1.3 %) par rapport au dollar américain. Cette conjoncture n’a rien d’exceptionnel, ce fut déjà le cas, notamment au début de la décennie 2010, lorsque le prix du baril de Brent était au-dessus des 100 dollars. Le dinar avait très peu varié par rapport au dollar (2011 : -2.9 %, 2012 : -2.7 %, 2013 : -0.1 %). De mon point de vue, cette situation obéit à des facteurs conjoncturels externes, se rapportant à la hausse du prix du pétrole et du gaz sur les marchés internationaux, accompagnée d’une hausse du dollar américain. La décision de ne pas déprécier le dinar sert, probablement, aussi à limiter l’impact de la hausse des prix des produits importés, surtout dans un contexte d’inflation à l’échelle mondiale. Il y a lieu aussi de prendre en compte le fait que depuis environ 3 ans, le dinar a perdu 18 % de sa valeur par rapport au dollar américain. Si on se fie au passé récent, depuis 2010, il y a toujours eu un moment de répit pour la monnaie nationale, après une séquence de dépréciation à 2 chiffres. Concernant l’appréciation du dinar par rapport aux autres monnaies (Euro, livre anglaise, yen…etc), celle-ci est la conséquence de l’appréciation du dollar américain par rapport à ces devises : Euro (+15 %), yen (+25%), livre anglaise (+22 %), dollar canadien (+9%)…etc. A partir du moment où vous prenez la décision de ne pas déprécier votre monnaie (DA) par rapport à une autre monnaie qui s’apprécie (dollar), votre monnaie s’apprécie mécaniquement (cours de change croisé) par rapport aux monnaies (Euro, livre anglaise, yen…etc) qui se déprécient par rapport au dollar US. 

Quelles sont les conséquences possibles de cette appréciation du dinar sur les comptes extérieurs du pays ?

Le niveau du taux de change dollar/dinar est déterminant. En effet, les recettes budgétaires de l’Etat algérien y sont directement impactées via la fiscalité pétrolière. Toutes choses étant égales par ailleurs, les 18% de baisse de la valeur du dinar par rapport au dollar, entre 2020 et aujourd’hui, ont entrainé une augmentation équivalente, en dinar, des recettes de l’Etat via la fiscalité pétrolière. Concernant les comptes extérieurs, près de la moitié des importations proviennent de la zone euro. Par conséquent, l’appréciation (croisée) du dinar par rapport à l’Euro (environ 13%) est censée entrainer une baisse équivalente, en dinar, des prix des produits importés de la zone euro. Mais, comme il y a, actuellement, une inflation d’environ 10% au niveau de la zone euro, l’impact de cette appréciation de la monnaie nationale sera probablement nul pour le consommateur algérien et la demande de produits importés de la zone euro : hausse moyenne de 10 % via l’inflation (zone Euro) et baisse d’environ 13 % via le déclin de l’euro.

Ce changement de cap en matière de politique de taux de change, en suspendant la dépréciation à répétition du dinar, signifie-t-il que le dinar n’est plus ce levier d’ajustement macroéconomique qui a caractérisé les années ayant suivi le contrechoc pétrolier de la mi-2014 ?

De mon point de vue, il ne s’agit pas d’un changement de cap, mais d’une situation conjoncturelle et exceptionnelle, principalement liée à un facteur externe, à savoir la hausse (concomitante) des prix mondiaux des hydrocarbures et du dollar américain. Historiquement, lorsque le prix des hydrocarbures augmente, le dollar américain a tendance à baisser et inversement. Actuellement, on assiste à une corrélation positive (exceptionnelle) probablement liée probablement à la guerre en Ukraine. Au final, la hausse des recettes des exportations des hydrocarbures, suite à la hausse des prix mondiaux, a permis de ne pas avoir à déprécier le dinar par rapport au dollar. Et comme, exceptionnellement, ceci s’est accompagné d’une forte hausse du dollar par rapport aux autres devises, la monnaie nationale s’est appréciée par rapport à l’euro, la livre anglaise…etc. Dès que ces facteurs externes retrouveront leur cours habituel, il en sera de même pour la politique de change du dinar.

Comment voyez-vous l’évolution du taux de change du dinar durant les prochains mois, allait-il dépendre de l’évolution des fondamentaux de l’économie et du prix du pétrole ?

Cela va continuer de dépendre, comme dans le passé, des facteurs externes cités précédemment. Il faudra, probablement, tenir compte de l’ampleur de la baisse annoncée de l’activité économique mondiale (récession en vue dans certaines économies industrialisées) et son impact sur le prix des hydrocarbures. Au niveau macroéconomique, on aurait pu profiter de cette situation exceptionnelle pour rembourser une partie des 8700 milliards dinars (62 milliards de dollars) de dette publique détenue par la Banque d’Algérie.

Interview réalisée par Ali. T.

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