La présence chinoise au Maghreb s’inscrit dans une stratégie globale qui s’adapte aux caractéristiques économiques, institutionnelles et industrielles de chaque pays. Ainsi, les investissements chinois au Maroc et en Algérie suivent des trajectoires distinctes, non pas en raison d’un traitement différencié, mais en fonction des besoins et des priorités propres à chaque économie.
Au Maroc, les capitaux chinois se dirigent principalement vers l’industrie et les chaînes de valeur exportatrices. Les secteurs de l’automobile, des batteries électriques, des technologies industrielles et des énergies renouvelables attirent des projets d’envergure, portés par des entreprises comme Gotion High-Tech, Hailiang ou Shinzoom. Le pays bénéficie d’infrastructures logistiques performantes, d’écosystèmes industriels intégrés et d’un positionnement clair comme plateforme d’exportation vers l’Europe et l’Afrique. Ces éléments structurent naturellement une orientation chinoise vers l’investissement productif et l’industrialisation.
En Algérie, la dynamique est différente. La Chine accompagne un modèle axé sur les infrastructures, l’énergie, le secteur minier, les télécommunications et les grands projets publics. Les entreprises chinoises sont présentes depuis longtemps dans le BTP, les ouvrages d’envergure, les projets énergétiques ou les industries de base. Cette orientation répond aux priorités nationales : modernisation des équipements publics, valorisation des ressources naturelles, renforcement des capacités énergétiques et développement de grands axes structurants.
Deux logiques cohérentes, deux stratégies distinctes
Ces deux trajectoires s’inscrivent dans une tendance plus large propre à la stratégie extérieure chinoise. Comme le montre le rapport AidData sur l’évolution du portefeuille de prêts et d’investissements chinois, Pékin adapte désormais ses instruments financiers — prêts, partenariats industriels, co-investissements — en fonction du profil économique de ses partenaires. Les choix sectoriels, au Maghreb comme ailleurs, reflètent la complémentarité entre l’offre chinoise et les besoins spécifiques des économies nationales.
Ainsi, le Maroc attire davantage d’investissements industriels orientés vers la production et l’exportation, tandis que l’Algérie mobilise des capitaux chinois pour ses infrastructures, son énergie et ses projets publics structurels. Deux logiques cohérentes, deux stratégies distinctes, mais complémentaires dans le cadre plus large de la présence économique chinoise en Afrique du Nord.
| Chine – Maroc — quelques chiffres récents • En 2024, les investissements directs étrangers (IDE) chinois au Maroc ont “bondi de 150 %” par rapport à 2023, selon les données rapportées par les médias économiques. • Le groupe chinois Gotion High Tech a signé un accord pour construire une gigafactory de batteries à Kénitra pour un investissement initial de 1,3 milliard de dollars. Selon le projet, la capacité pourrait monter et l’investissement total potentiel atteindre ~6,5 milliards de dollars. • D’autres entreprises chinoises actives dans les batteries et composants électriques — comme Hailiang ou Shinzoom — ont collectivement investi plusieurs centaines de millions de dollars dans des usines industrielles au Maroc. |
Ces chiffres montrent une dynamique récente très forte, portée principalement par le secteur des batteries et de l’automobile — ce qui explique que le Maroc apparaisse souvent comme le pays le plus visible des investissements chinois dans la région.
Chine – Algérie — initiatives récentes & secteurs visés• Depuis 2022, l’Agence Algérienne de Promotion de l’Investissement (AAPI) a approuvé 42 projets chinois (directs ou en joint venture), pour une valeur totale d’environ 4,5 milliards de dollars. • Ces projets couvrent des secteurs variés : automobile, agriculture, industries, infrastructures de transport et projets industriels lourds. • En parallèle, des investissements chinois historiques dans l’énergie (pétrole/gaz), les infrastructures publiques, le bâtiment et les télécommunications continuent de structurer la coopération sino-algérienne. |
L’Algérie reste pour la Chine un partenaire stratégique important, mais la nature des investissements — souvent lourds, stratégiques et à long terme — diffère fortement de la logique industrielle et exportatrice observée au Maroc.