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La COP30 ou le changement dans la continuité (contribution)

Par Si Ahmed Menad : expert onusien 27 novembre 2025

La COP30 vient de s’achever sur un accord minimaliste, tout en évitant le sujet brûlant des énergies fossiles. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est qu’une fois de plus, les véritables causes d’un effondrement planétaire à venir (ou « effondrement écologique », selon chacun) ont été soigneusement ignorées, à savoir l’examen de l’état des fameuses neuf limites planétaires, qu’il est utile de rappeler.

1- Changement climatique

2- Érosion de l’intégrité de la biosphère (ou perte de biodiversité)

3- Perturbation des cycles biogéochimiques (notamment ceux de l’azote et du phosphore)

4- Changement d’usage des sols (déforestation, urbanisation, etc.)

5- Utilisation de l’eau douce (consommation mondiale)

6- Acidification des océans

7- Appauvrissement de la couche d’ozone stratosphérique

8- Augmentation de la charge en aérosols atmosphériques (pollution de l’air)

9- Introduction d’entités nouvelles dans la biosphère (pollution chimique, microplastiques, organismes génétiquement modifiés, etc.)

Selon des scientifiques, ces limites définissent un « espace de fonctionnement sûr » pour l’humanité, dont le dépassement pourrait entraîner des changements environnementaux brusques et irréversibles à l’échelle planétaire. Plus préoccupant encore, en 2023, ces mêmes scientifiques ont établi que six de ces neuf limites sont déjà franchies.

C’est dire que les négociations de la COP30, comme celles des précédentes conférences, n’arrivent pas à se défaire de cette idée que seules les émissions de gaz à effet de serre seraient le sujet central pour « sauver la planète ». Détrompons-nous : il ne s’agit pas d’un aveuglement incompréhensible, mais bel et bien d’un travail de sape mené par de très puissants lobbies pour lesquels ne comptent que la croissance économique, la mainmise sur les ressources de la planète et la domination d’un groupe de pays sur le reste du monde par tous les moyens, y compris la guerre, la création de désordres et d’insécurité, les famines et bien d’autres prétextes pour soumettre le monde.

Pourtant, il est clairement établi que la croissance mondiale ne peut être infinie face aux limites des ressources planétaires, que l’on va chercher toujours plus loin (les prochaines cibles étant désormais les régions arctiques et antarctiques, derniers territoires inexploités), toujours plus en profondeur, tandis que les fonds océaniques vont être raclés pour remonter les fameux nodules polymétalliques et, bien sûr, forer pour toujours plus de pétrole et de gaz. Et qui sait si certains ne rêvent pas déjà d’aller dans l’univers à la recherche de nouvelles richesses ? Tout cela avec l’idée que seuls les puissants pourront poursuivre cette course folle pour dominer et, pourquoi pas, asservir. En somme, « la loi du plus fort ».

L’influence des lobbies et la course aux ressources planétaires

Alors, pourquoi cette messe annuelle, pour finalement se résoudre à des accords dont on sait qu’ils ne font que donner l’illusion d’un consensus pour sauver la planète ? Quand on voit les centaines, voire les milliers de lobbyistes qui arpentent les salles de conférence, déployant des moyens colossaux pour dire tout et son contraire, noyant les débats, les orientant, manipulant les délégués – notamment ceux des pays en développement ou des économies émergentes –, il est évident que parler des limites planétaires relève de l’illusion, et qu’oser réclamer un ralentissement de la croissance tient du vœu pieux.

Quoi d’étonnant, dès lors, qu’année après année, on se gargarise de promesses surréalistes, tout en ayant comme leitmotivs des mots tels que croissance débridée, consommation, domination et exploitation accrue des ressources naturelles, le tout soutenu par des énergies fossiles toujours largement disponibles.

En attendant, les petits dirigeants du « tiers-monde », dont la plupart sont de piètres dictateurs, n’en finissent pas de quémander quelques misérables dollars pour une illusoire adaptation aux changements climatiques, sans même en comprendre réellement le concept. Ces dirigeants de pacotille n’ont pour principal exploit que de soumettre leurs propres peuples et de servir sur un plateau les ressources de leurs pays, selon la volonté de leurs maîtres. Ceux de notre propre pays ne valent guère mieux et se mettent, eux aussi, au service des puissants qui les protègent. La nouvelle loi sur les mines, les discussions sur l’exploitation du pétrole ou du gaz de schiste, les concessions de vastes terres sahariennes pour une agriculture intensive à rendement immédiat mais porteuse de dangers environnementaux gravissimes – tels que la remontée des sels et la pollution de la nappe albienne, véritable trésor pour les générations futures – en sont l’illustration. Alors, que sont venus dire les représentants algériens à la COP30 ?

Jusqu’où les puissants de ce monde iront-ils pour continuer à gérer avec avidité cette planète meurtrie par de multiples maux, sans même se soucier de préserver une certaine posture en matière de droits humains, désormais bafoués aux quatre coins du globe, entre massacres de populations, crimes pouvant s’apparenter à des génocides et indifférence indigne face aux famines et à la misère de peuples entiers ?

Quoi de plus indécent que de parler à Belém, ou ailleurs, de sauvegarde de la planète quand l’être humain lui-même n’a plus de place ? Le monde va mal, très mal même, et tout ce beau monde retournera vaquer à ses occupations jusqu’à la prochaine COP.

La répétition des promesses sans changement réel

 Et voilà, pour sauver ce qui reste à sauver de la COP30, on nous invente un BAM (Belém Action Mechanism, ou Mécanisme d’action de Belém). Il fallait bien un nouvel acronyme pour marquer d’une pierre blanche la conférence de Belém, à défaut d’engagements concrets tels que les chefs d’État et de gouvernement les avaient promis dans leurs déclarations enthousiastes, notamment en fixant un cap clair pour les énergies fossiles. Un défi insurmontable quand on connaît la dépendance addictive à ces énergies, qui fait qu’on poursuit leur exploration tous azimuts, quitte à aller les chercher dans le magma de la croûte terrestre, les calottes glaciaires ou les abysses océaniques. Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse du CO2, du méthane et d’autres gaz qui font tourner les têtes : la neutralité carbone attendra bien encore quelques décennies.

Après les plans d’action de Cancún, de Marrakech, de Dubaï et d’autres, voici donc le BAM, cette fois au nom d’une « transition juste » pour « ne pas laisser sur le bord du chemin les pays les plus défavorisés ». L’initiative se veut noble et généreuse, d’autant qu’elle s’accompagnerait d’un relèvement conséquent des contributions au Fonds vert pour le climat. En théorie, les pays en développement devraient ainsi bénéficier de financements plus importants et, grâce au BAM (qui reste à mettre en place : comment, par qui, avec quelles règles et quelles modalités ?), se doter de projets idoines pour assurer leur transition.

Seulement voilà : depuis sa mise en route, après avoir pris le relais du GEF/FEM (Facilité mondiale pour l’environnement), le Fonds vert pour le climat peine à donner corps à des projets d’adaptation, voire d’atténuation climatiques, et ceux qui ont été approuvés jusqu’ici se débattent dans des conditions d’exécution inextricables. Dans ces conditions, comment le BAM pourrait-il, à lui seul, garantir une quelconque justice dans la transition climatique ? Quels moyens lui seront réellement attribués pour impulser une nouvelle philosophie des projets, et quelles seront les normes d’une « transition juste » ? Vaste programme qui, à la fin de la conférence de Belém, reste à définir dans sa quasi-totalité.

Je persiste et je signe : cette assistance « climatique » n’aura de sens que si les modèles économiques et les modes de gestion de notre planète sont revus en profondeur, afin d’intégrer ce « quart-monde » qui ne cesse de sombrer, et surtout de sauver la Terre d’une exhaustion annoncée. Plans d’action, BAM, Fonds vert pour le climat, GEF, transition, neutralité carbone ne prendront pleinement leur sens que le jour où les puissants retrouveront un minimum de bon sens et mettront un frein à leur désir de domination du monde, car ils ne font aujourd’hui que précipiter le point de bascule de notre planète commune.

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