« La cour constitutionnelle conservatrice sur le code de procédure pénale » (député yagoubi- suite 2)

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« La cour constitutionnelle conservatrice sur le code de procédure pénale » (député yagoubi- suite 2)

Par Par Par Abdelwahab Yagoubi: deputé auteur de la saisine auprès de la cour constitutionnelle
7 septembre 2025

4e partie : Lecture juridique et constitutionnelle approfondie de la décision n° 02/CC/CS/C/2025 rendue par la Cour constitutionnelle le 16 juillet 2025 concernant la constitutionnalité des articles 12, 49, 78, 114, 188, 280, 323 et 731 relatifs à l’absence de définition légale du terme « atteinte à la sécurité de l’État »

Introduction générale

Les articles contestés portent sur des dispositions procédurales permettant la prolongation de la garde à vue et de la détention provisoire dans les affaires qualifiées d’« atteinte à la sécurité de l’État ». Les auteurs de la saisine ont soulevé l’absence de définition claire de cette notion, ce qui viole le principe de légalité et de clarté de la loi, consacré par l’article 34 de la Constitution, et porte atteinte aux droits de la défense ainsi qu’à la présomption d’innocence.

La Cour constitutionnelle, pour sa part, a estimé que l’expression « sécurité de l’État » est d’usage constitutionnel et définie dans le Code pénal, écartant ainsi tout soupçon d’inconstitutionnalité.

 Griefs critiques sur la logique et les justifications de la décision

 L’absence de définition procédurale ne saurait être compensée par une définition pénale

            •          Il est exact que le Code pénal consacre un chapitre aux « crimes contre la sécurité de l’État », mais le fait que le Code de procédure pénale s’y réfère sans définir précisément ce concept transforme « l’atteinte à la sécurité de l’État » en notion juridique floue, davantage interprétée selon une logique sécuritaire que judiciaire.

            •          L’utilisation de ce terme vague dans des dispositions affectant directement les libertés individuelles (garde à vue, détention provisoire) sans définition procédurale rigoureuse ouvre la voie aux abus, en violation du principe de prévisibilité et d’accessibilité de la loi, clairement énoncé à l’article 34, alinéa 4 de la Constitution.

 Inconstitutionnalité de l’élargissement procédural d’un concept flou

            •          Les dispositions procédurales contestées permettent des restrictions exceptionnelles à la liberté, simplement en classant une affaire comme relevant d’« atteinte à la sécurité de l’État », sans encadrement objectif ni définition claire, ce qui viole le principe de légalité procédurale.

            •          Or, la garde à vue exige une qualification précise des faits, et la détention provisoire ne peut reposer sur une simple suspicion vague, même classée sous l’étiquette « sécurité de l’État ».

 Atteinte au principe d’égalité en matière de protection procédurale

            •          Le simple fait d’autoriser des prolongations de détention sur la base d’une suspicion relevant d’une notion juridiquement floue introduit une discrimination injustifiée entre les justiciables.

            •          Cela constitue une violation manifeste :

            •          de l’article 51 de la Constitution (égalité devant la loi en matière de protection),

            •          de l’article 41 (présomption d’innocence),

            •          et de l’article 42 (droit à la défense).

Incompatibilité avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques

            •          L’article 9 du Pacte garantit le droit à la liberté et à la sûreté de la personne et proscrit toute détention arbitraire.

            •          Le manque de définition du terme et son abandon à la libre appréciation des services de police judiciaire ou du parquet, sans contrôle strict ni encadrement clair, viole ce droit fondamental.

            •          Cela prive également l’article 14 du Pacte de sa portée, lequel impose des critères clairs dès le stade de la privation de liberté pour garantir un procès équitable.

Problème du fondement constitutionnel retenu par la Cour

            •          La Cour a invoqué l’article 79 de la Constitution, qui mentionne les crimes portant atteinte à la sécurité de l’État parmi ceux punissables « avec la plus grande rigueur ».

            •          Toutefois :

            •          Cette référence ne saurait constituer une base procédurale suffisante pour justifier des restrictions telles que la prolongation automatique de la détention provisoire ;

            •          Elle ne dispense pas le législateur de préciser juridiquement cette notion dans le Code de procédure pénale, qui encadre les moyens procéduraux et non les incriminations.

Recommandations et évaluation constitutionnelle finale

            •          Les articles 12, 49, 78, 114, 188, 280, 323 et 731 souffrent d’une grave carence législative quant à la définition du concept d’« atteinte à la sécurité de l’État », utilisé comme fondement de mesures restreignant les libertés individuelles.

            •          L’absence de clarté, de définition procédurale et de garanties encadrées constitue une violation de l’article 34 de la Constitution, en particulier de son alinéa 4, qui impose que la loi soit claire, intelligible et prévisible.

            •          Cette orientation viole également les articles 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, posant ainsi une double inconstitutionnalité (interne et internationale).

            •          Dès lors, la Cour constitutionnelle aurait dû déclarer l’inconstitutionnalité des articles en question, ou à tout le moins enjoindre le législateur à encadrer et clarifier juridiquement cette notion dans des termes précis et limités.

Conclusion

La décision n° 02/CC/CS/C/2025, en ce qui concerne le terme « atteinte à la sécurité de l’État », s’écarte des garanties constitutionnelles en matière de libertés individuelles, et ouvre un champ d’application arbitraire dépourvu de fondement rigoureux.

Elle ne répond pas aux exigences formelles et substantielles du contrôle de constitutionnalité, et fragilise la protection contre les abus de pouvoir, en laissant subsister une notion vague au cœur de dispositifs attentatoires à la liberté.

5e partie : Analyse juridique et constitutionnelle approfondie de la décision n° 02/CC/CS/C/2025 rendue par la Cour constitutionnelle le 16 juillet 2025, concernant la constitutionnalité des articles 12, 49, 78, 114, 188, 280, 323 et 731 du Code de procédure pénale relatifs à l’usage du terme “atteinte à la sécurité de l’État” sans définition juridique précise

 Sur le fondement de l’exception d’inconstitutionnalité

Le recours déposé met en avant le non-respect du principe de clarté et de prévisibilité de la loi, consacré explicitement par l’article 34, alinéa 4, de la Constitution de 2020, qui impose que la loi soit suffisamment claire et précise pour permettre aux citoyens de prévoir les conséquences juridiques de leurs actes.

Or, les articles en cause lient des mesures très restrictives de liberté – telles que la prolongation exceptionnelle de la garde à vue ou de la détention provisoire – à une notion floue : « l’atteinte à la sécurité de l’État ». Ce flou ouvre la porte à l’arbitraire et met en péril les droits fondamentaux, notamment la liberté individuelle et la présomption d’innocence, protégés par les articles 34 et 41 de la Constitution.

Sur la position adoptée par la Cour constitutionnelle

La Cour a jugé que le législateur constitutionnel lui-même avait utilisé l’expression « sécurité de l’État » à l’article 79, alinéa 2, et que le Code pénal lui consacre un chapitre sous le titre « crimes et délits contre la sécurité de l’État », ce qui, selon la Cour, écarterait toute ambiguïté. Mais ce raisonnement soulève plusieurs problèmes de fond :

 Observations critiques fondamentales

1. Confusion entre incrimination pénale et logique procédurale :

            •          La Cour confond la définition d’une infraction dans le Code pénal avec l’usage d’une base juridique procédurale dans le Code de procédure pénale.

            •          Il ne suffit pas que le terme « sécurité de l’État » apparaisse dans le Code pénal. Il est impératif que le Code de procédure pénale définisse clairement et rigoureusement les cas exceptionnels où les libertés peuvent être restreintes pour ce motif.

            •          Une simple référence générale à des textes pénaux ne saurait se substituer à une définition procédurale précise.

2. Violation du principe de clarté et de proportionnalité :

            •          Les textes contestés confèrent aux autorités judiciaires et administratives des pouvoirs excessivement larges, sans critère objectif ni définition stricte de ce que recouvrent les infractions portant atteinte à la sécurité de l’État.

            •          Il en résulte une zone grise juridique, qui peut être utilisée pour maintenir des individus en garde à vue ou en détention provisoire sur la base de soupçons flous ou d’accusations non circonstanciées.

3. Atteinte à la présomption d’innocence et au droit à la défense :

            •          Étendre les restrictions de liberté sur la base d’une simple qualification générique telle que « atteinte à la sécurité de l’État » vide la présomption d’innocence de son contenu, et insère le dossier dans un traitement dérogatoire avant même toute condamnation.

            •          En l’absence de définition claire, cette qualification peut devenir un instrument de pression administrative ou politique, sapant ainsi les garanties constitutionnelles d’un procès équitable.

Contradiction interne dans le raisonnement de la Cour

            •          La Cour affirme que le législateur dispose d’une large marge de manœuvre procédurale (article 139, alinéa 7), mais omet que cette marge est encadrée par des principes supérieurs, à savoir :

            •          la protection des libertés,

            •          l’interdiction de la détention arbitraire,

            •          et le respect des principes de nécessité et de proportionnalité.

            •          Même si les crimes contre la sécurité de l’État sont définis dans le Code pénal, leur invocation ne peut justifier un régime procédural dérogatoire sans encadrement clair et précis, ce qui fait défaut dans les articles en cause.

Conformité du raisonnement de la Cour avec les engagements internationaux de l’Algérie

            •          L’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques garantit un procès équitable et interdit la détention sans justification claire.

            •          L’usage d’expressions vagues comme « sécurité de l’État », sans définition légale ni critères procéduraux stricts, est contraire à ces engagements internationaux et expose l’Algérie à des critiques des instances internationales.

 Conclusion et recommandations

            •          La Cour a échoué à distinguer entre l’incrimination pénale dans le Code pénal et la légalité procédurale dans le Code de procédure pénale.

            •          Elle a fondé son raisonnement sur une interprétation erronée de la notion de clarté législative, négligeant les principes fondamentaux de liberté et d’équité procédurale.

            •          La Cour aurait dû :

            •          soit déclarer partiellement ou totalement l’inconstitutionnalité des articles en question,

            •          soit émettre une réserve interprétative stricte, imposant que toute mesure de restriction (garde à vue, détention) liée à l’« atteinte à la sécurité de l’État » soit précédée d’une qualification rigoureuse et placée sous un contrôle judiciaire renforcé.

6e partie : Lecture critique juridique et constitutionnelle de la décision n° 02/CC/CS/C/2025 concernant les articles 511 à 516 sur la procédure de reconnaissance préalable de culpabilité

Sur la forme et les principes constitutionnels généraux

Bien que la Cour affirme que les articles 511 à 516 respectent le droit à un procès équitable et s’inscrivent dans une logique d’humanisation des peines, cette position ignore plusieurs critiques fondamentales, résumées comme suit :

1. L’absence d’avocat n’est pas une simple question de forme :

            •          La procédure repose sur un aveu non équivoque de culpabilité, un choix juridique grave qui peut entraîner la renonciation implicite à plusieurs droits constitutionnels.

            •          L’absence d’une obligation de présence de l’avocat, en particulier lors de la proposition ou l’acceptation faite par le procureur de la République, constitue une violation grave du droit à la défense, garanti par les articles 41, 42 et 44 de la Constitution.

2. L’aveu n’équivaut pas à une condamnation :

            •          L’argument selon lequel « celui qui reconnaît les faits » n’aurait plus besoin de garanties est contraire à la présomption d’innocence, qui subsiste jusqu’au jugement définitif.

            •          Un aveu, en dehors d’un procès public équitable et en présence d’un avocat, ne peut constituer une preuve irréfutable sans contrôle judiciaire approfondi.

3. La procédure peut conduire à des pressions ou à des aveux précipités :

            •          Donner au procureur le pouvoir de proposer une peine en 5 jours, sans contre-pouvoir judiciaire réel, crée un déséquilibre structurel entre l’accusation et la défense.

            •          Des personnes en situation de fragilité psychologique ou sociale pourraient être incitées à reconnaître leur culpabilité sans comprendre les conséquences.

Absence de contrôle juridictionnel réel

            •          Même si la Cour soutient que cette procédure n’aboutit pas immédiatement à une condamnation, l’acceptation de la peine proposée par le procureur clôt en pratique le procès, court-circuitant le rôle du juge.

            •          Aucun texte n’impose au juge de réexaminer ou de refuser l’accord, ce qui réduit la juridiction à un simple organe d’enregistrement d’une décision de l’accusation, en contradiction avec le principe du juge naturel (article 165 implicite).

Contradiction avec la philosophie intégrée de la justice pénale

            •          Bien que la Cour présente ces dispositions comme une forme de personnalisation des peines, celle-ci doit être accompagnée d’égalité d’accès aux garanties procédurales.

            •          La reconnaissance préalable de culpabilité, telle que conçue, risque de substituer une justice négociée à une justice équitable, compromettant l’universalité des droits de la défense.

Omission de la vulnérabilité de certains publics

            •          La procédure ne tient pas compte de la situation de nombreuses catégories sociales vulnérables (analphabètes, personnes en situation de handicap, mal informées…).

            •          Le simple désir d’éviter le procès ou la détention peut les amener à accepter des sanctions sans compréhension pleine des enjeux, surtout en l’absence d’avocat ou de juge garant.

Conclusion constitutionnelle

            1.        Les articles 511 à 516 ne garantissent pas suffisamment un procès équitable, en particulier :

            •          l’assistance obligatoire d’un avocat,

            •          le contrôle juridictionnel,

            •          et l’équilibre entre le parquet et la défense.

            2.        La procédure actuelle institutionnalise la négociation sur la peine en dehors de la salle d’audience, ce qui nécessiterait un cadre plus strict et des garanties renforcées.

            3.        La décision de la Cour de rejeter le recours tout en entérinant le dispositif en l’état constitue une forme de complaisance inacceptable au regard des principes constitutionnels et des engagements internationaux (notamment l’article 14 du Pacte international).

Recommandation

Il est indispensable de réviser ces articles pour garantir :

            •          la présence obligatoire d’un avocat,

            •          l’intervention préalable d’un juge en amont de tout accord,

            •          et l’encadrement précis du pouvoir du parquet, afin de prévenir tout dérèglement de l’équilibre procédural.

7e partie : Analyse juridique et constitutionnelle approfondie de la décision n° 02/CC/CS/C/2025 rendue par la Cour constitutionnelle le 16 juillet 2025, relative à la constitutionnalité de l’article 47 du Code de procédure pénale

Sur le contenu de l’article 47 – Problème du pouvoir discrétionnaire en matière de classement

L’article 47 confère au procureur de la République le pouvoir de classer une plainte soit pour des raisons juridiques, soit pour inopportunité des poursuites. Cette formulation accorde à la poursuite publique une large marge d’appréciation, pouvant se transformer en un pouvoir absolu sans garde-fous clairs, ce qui affaiblit le principe de légalité pénale garanti par l’article 34 de la Constitution, et menace le principe d’égalité devant la loi.

Bien que la Cour ait estimé que le contrôle du procureur général et la faculté pour la victime de se constituer partie civile suffisent à protéger les droits, ce raisonnement ignore la réalité du fonctionnement judiciaire, où ces mécanismes sont rarement mobilisés par les justiciables, notamment pour des raisons financières, procédurales ou psychologiques.

 Flou de l’expression « inopportunité des poursuites »

L’expression « inopportunité des poursuites » est juridiquement vague, non définie, et ouverte à des interprétations variables, voire à des considérations politiques ou subjectives, sans qu’un contrôle juridictionnel effectif ne soit garanti.

Ce flou viole le principe de clarté et de prévisibilité de la loi, consacré par l’article 34 de la Constitution et rappelé dans de nombreuses décisions précédentes de juridictions constitutionnelles.

Même si un certain pouvoir d’appréciation est nécessaire, celui-ci doit être encadré par des textes précis, et non fondé sur des termes vagues sans critères clairs issus du texte lui-même.

 Problème de l’absence de contrôle juridictionnel réel sur la décision de classement

La Cour affirme que le contrôle du procureur général est suffisant. Toutefois, cette affirmation fait abstraction du principe d’indépendance du contrôle judiciaire, puisque le procureur général fait partie de la même hiérarchie que le procureur de la République, et ne constitue pas une autorité indépendante garantissant une décision impartiale.

Dans plusieurs jurisprudences constitutionnelles comparées (France, Italie, Espagne), il est reconnu que le parquet ne peut être seul maître de la décision de classement, et que celle-ci doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel effectif, pour garantir les droits des victimes et le droit d’accès à la justice.

Poids excessif du recours à la constitution de partie civile

L’argument selon lequel la victime peut se constituer partie civile devant le juge d’instruction n’est pas une garantie effective, pour plusieurs raisons :

            •          La procédure est complexe, souvent conditionnée à l’intervention d’un avocat.

            •          Elle entraîne des coûts importants (frais de constitution, honoraires).

            •          Elle n’est pas possible pour toutes les infractions, notamment pour les contraventions et certains délits mineurs.

            •          De nombreuses victimes n’ont pas les ressources financières ni la culture juridique nécessaires pour engager cette voie.

Ainsi, cette possibilité ne saurait compenser l’absence de contrôle juridictionnel indépendant sur la décision de classement.

 Inégalité d’accès à la justice

L’article 47 confère au procureur un pouvoir discrétionnaire étendu, ce qui peut engendrer des inégalités manifestes dans le traitement des affaires, selon des critères non transparents et non uniformes.

Cela porte atteinte au principe d’égalité devant la justice, garanti par l’article 37 de la Constitution, et ouvre la voie à des pratiques discriminatoires, non soumises à un examen juridictionnel effectif.

Conclusion

Bien que la Cour constitutionnelle ait tenté de justifier la constitutionnalité de l’article 47 au nom de l’existence de mécanismes de contrôle, il demeure que :

            •          Le flou du texte et ses formulations vagues rendent difficile le cadrage du pouvoir discrétionnaire du procureur ;

            •          L’absence de contrôle juridictionnel indépendant et effectif sur la décision de classement menace les droits des victimes et les principes de légalité et d’égalité ;

            •          Le poids procédural et financier du recours à la partie civile affaiblit l’efficacité des voies de recours alternatives ;

            •          Le pouvoir procédural de classement ainsi confié au parquet peut être utilisé de manière sélective ou discriminatoire, faute de critères objectifs ou de transparence.

L’article 47 devrait être révisé pour intégrer expressément les éléments suivants :

            1.        L’obligation de motivation détaillée de la décision de classement par le procureur ;

            2.        La soumission de cette décision à un contrôle juridictionnel indépendant devant un juge compétent ;

            3.        La définition claire du terme “inopportunité des poursuites” dans le texte même, à travers des critères objectifs ;

            4.        La garantie d’information claire et gratuite de la victime sur son droit de recours, dans des conditions accessibles et simplifiées.

8e partie : Analyse juridique et constitutionnelle approfondie de la décision n° 02/CC/CS/C/2025 rendue par la Cour constitutionnelle le 16 juillet 2025, concernant la constitutionnalité des articles 294 et 580 à 591 du Code de procédure pénale

Cadre général

Les articles 294 et 580 à 591 du Code de procédure pénale autorisent le recours aux moyens électroniques pour les notifications, convocations et communications dans le cadre des procédures pénales. La Cour constitutionnelle a conclu que ces dispositions ne soulèvent aucun doute d’inconstitutionnalité, les considérant comme faisant partie de la politique de transformation numérique et de modernisation de la justice, sans atteinte au droit à la défense ni au droit à un procès équitable.

Cependant, une telle justification appelle un examen rigoureux, compte tenu de la nature sensible des procédures pénales, où chaque étape affecte des droits fondamentaux garantis par la Constitution.

Absence de garanties d’égalité et d’accès numérique

Bien que la numérisation soit un avantage institutionnel, l’inégalité d’accès aux technologies numériques en Algérie – entre zones urbaines et rurales, et selon le niveau socio-éducatif des citoyens – expose ces mesures à des risques de violation du principe d’égalité devant la justice (article 37 de la Constitution).

L’utilisation de moyens électroniques sans garantir une infrastructure adéquate et un accès effectif pour tous pourrait aussi contrevenir au principe de non-discrimination, excluant de fait certains citoyens du processus judiciaire à cause de la fracture numérique ou de l’illettrisme digital.

Atteinte potentielle au droit à la défense et à la présomption d’innocence

Les notifications et convocations pénales sont des actes procéduraux sensibles, qui peuvent marquer le début des poursuites ou d’une enquête. Un défaut de notification peut affecter la liberté de l’individu.

Lorsque les notifications papier officielles sont remplacées par des moyens électroniques :

            •          Comment s’assurer que la personne concernée a effectivement reçu la convocation ?

            •          Quelles sont les modalités de vérification de l’identité électronique ?

            •          Existe-t-il une plateforme nationale officielle garantissant la sécurité, la confidentialité et l’authenticité des données ?

En l’absence de telles garanties, des individus pourraient faire l’objet de décisions pénales rendues en leur absence, faute d’avoir été informés de manière effective. Cela constitue une atteinte au droit à la défense et au droit à l’information personnelle, garantis par les articles 40, 41 et 51 de la Constitution.

Problème de sécurité juridique et de prévisibilité procédurale

L’adoption des notifications électroniques suppose l’existence de règles législatives précises et de mécanismes clairs permettant de :

            •          prouver l’envoi de la notification,

            •          prouver sa réception,

            •          enregistrer la date et l’heure d’ouverture ou de lecture,

            •          définir les modalités de contestation de la validité de la notification.

L’absence de ces éléments dans les dispositions contestées, ainsi que leur formulation générale et permissive, viole le principe de clarté juridique et de sécurité procédurale, consacré par l’article 34 de la Constitution.

Absence d’un cadre réglementaire complémentaire

La transformation numérique en matière pénale doit reposer sur un dispositif légal complet, incluant :

            •          une loi spécifique sur les notifications judiciaires électroniques,

            •          un décret exécutif précisant les modalités de fonctionnement, d’accréditation et de protection des données,

            •          une référence technique nationale pour la certification des identités électroniques judiciaires.

En l’absence de cette architecture, la mise en œuvre des articles 294 et 580 à 591 est prématurée, juridiquement incertaine, et dépourvue de garanties constitutionnelles suffisantes.

Nécessité d’une transition progressive

Le passage au numérique en matière pénale doit être progressif et modulé, avec la possibilité pour les parties de choisir la notification papier, tant que l’infrastructure numérique n’est pas généralisée et éprouvée.

Imposer la notification électronique comme règle générale, sans laisser d’alternative claire, contredit le principe constitutionnel de progressivité des réformes, et compromet les garanties d’un procès équitable.

Conclusion

Malgré l’intention louable d’introduire les moyens électroniques dans les procédures pénales, les articles 294 et 580 à 591 du Code de procédure pénale, en l’absence d’un encadrement juridique et technique rigoureux :

            •          Portent atteinte au droit à la défense et au droit à l’information personnelle ;

            •          Compromettent le principe d’égalité devant la justice ;

            •          Exposent les justiciables à des violations procédurales, sans recours effectif.

Par conséquent, ces articles, dans leur forme actuelle, soulèvent un sérieux doute de constitutionnalité, et il conviendrait de suspendre leur application jusqu’à l’adoption d’un cadre législatif et réglementaire complet, garantissant leur conformité aux articles 34, 37, 40, 41 et 51 de la Constitution.

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