La saisie de Nexperia par les Pays-Bas début octobre a déclenché une riposte chinoise qui paralyse progressivement l’industrie automobile mondiale. Ce bras de fer technologique entre La Haye et Pékin, désormais au cœur d’une guerre commerciale, menace directement l’approvisionnement des constructeurs européens et met en péril l’ensemble de la chaîne automobile qui alimente le Maghreb.
Une escalade rapide aux conséquences mondiales
Le gouvernement néerlandais a pris le contrôle de Nexperia le 15 octobre, invoquant des défaillances de gouvernance et des risques pour la sécurité économique européenne. Ce fabricant de semi-conducteurs, détenu par le chinois Wingtech Technology, fournit jusqu’à 49% des puces électroniques utilisées dans les véhicules européens.
La Chine n’a pas tardé à riposter en interdisant à la filiale chinoise de Nexperia d’exporter ses composants, provoquant une crise d’approvisionnement pour les constructeurs automobiles du continent. Volkswagen, Stellantis, Renault, BMW et Mercedes-Benz font partie des groupes directement touchés par cette pénurie annoncée.
Les stocks actuels de composants ne permettront de tenir que quelques semaines. La Deutsche Bank anticipe une baisse de production automobile allemande pouvant atteindre 30% dans le pire des scénarios. Cette situation rappelle la crise des semi-conducteurs de 2021, mais cette fois avec une dimension géopolitique encore plus marquée.
Le Maghreb en première ligne
Le marché automobile maghrébin dépend massivement des importations européennes et des usines locales de Stellantis et Renault installées au Maroc. Cette dépendance directe expose la région aux mêmes perturbations que l’Europe, avec des effets amplifiés.
Les constructeurs qui approvisionnent l’Algérie, le Maroc et la Tunisie assemblent majoritairement leurs véhicules en Europe ou au Maroc, avec des composants électroniques provenant de la même chaîne d’approvisionnement que les usines européennes. Stellantis, qui produit 200 000 véhicules par an à Kénitra dont une large part destinée à l’export, utilise les mêmes puces Nexperia que ses sites européens.
La normalisation récente de l’approvisionnement au Maroc, salué début 2025 après des années de tensions logistiques, pourrait brutalement s’inverser. Le royaume a enregistré une hausse de 35,5% des immatriculations au premier trimestre, signe d’une demande soutenue qui risque désormais d’être contrariée.
En Algérie, où le marché automobile peine déjà à se redresser après des années de restrictions, les délais d’importation de véhicules neufs pourraient s’allonger considérablement. Même l’usine de Fiat à Oran, filiale de Stellantis, qui assemble quelques modèles, verra sa production impactée. Une difficulté qui redirigera la demande vers le marché asiatique.
Flambée des prix et marché parallèle
La raréfaction annoncée des véhicules neufs va alimenter la spéculation sur les marchés locaux. Au Maroc, où les prix restaient maîtrisés grâce à une offre diversifiée et une production locale dynamique, les tensions sur les stocks vont inévitablement pousser les tarifs à la hausse.
En Algérie, le marché parallèle, déjà surchauffé par des années de restrictions, devrait connaître une nouvelle envolée spéculative. Les délais d’attente pour les véhicules neufs risquent de s’allonger de plusieurs mois, poussant les acheteurs vers le marché de l’occasion où les prix flambent depuis 2020.
Les distributeurs maghrébins auront plus de mal à négocier des livraisons prioritaires auprès des constructeurs européens, qui privilégieront leurs marchés domestiques en cas de pénurie prolongée. Cette hiérarchisation des priorités d’approvisionnement pénalisera les petits marchés comme ceux du Maghreb.





