Samy Injar
Le 24 avril 2025, le président Abdelmadjid Tebboune a posé la première pierre d’un complexe de production de concentré et de boulettes de minerai de fer à Toumiat, dans la wilaya de Béchar. Ce projet s’inscrit dans le cadre de l’exploitation du gisement de Gara Djebilet, l’un des plus vastes au monde avec des réserves estimées à 3,5 milliards de tonnes. L’exploitation est assurée par la société nationale FERAAL, en partenariat avec un consortium chinois dirigé par CMH, incluant MCC, CWE et Heyday Solar. Une centrale solaire de 200 mégawatts est en cours de construction à Tindouf pour alimenter la mine et ses installations, témoignant de la volonté de l’Algérie d’intégrer les énergies renouvelables dans ce projet.
Un pari industriel stratégique
L’Algérie ambitionne de transformer le minerai sur place, avec la construction d’une usine de production de plaques d’acier à Béchar, réduisant ainsi les coûts de transport et ajoutant de la valeur localement. Feraal est partenaire notamment de Tosialy dans ce projet réalisé techniquement par l’entreprise chinoise Sinosteel. Cependant, le gisement de Gara Djebilet est situé à environ 1 400 km des principales infrastructures sidérurgiques du pays, telles qu’El Hadjar, Bellara et Bethioua. Cette distance représente un défi logistique majeur, nécessitant des investissements importants dans les infrastructures de transport, notamment la construction d’une ligne de chemin de fer de 575 km pour relier la mine au réseau ferroviaire national. Abdelmadjid Tebboune a inauguré un tronçon de 100 km de cette ligne dédiée qui fera remonter le minerai jusqu’à Bechar où débute le réseau ferroviaire.
Défis logistiques et enjeux environnementaux
Malgré ces avancées, le projet fait face à des défis majeurs. L’introduction du Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) par l’Union européenne impose des taxes sur les importations d’acier à forte empreinte carbone. Pour que l’acier produit à partir du minerai de Gara Djebilet soit compétitif dans la durée sur le marché international, il faudra probablement arbitrer entre l’avantage d’utiliser le gaz naturel à bon prix et celui de décarboner la filière. Les entreprises sidérurgiques algériennes ou mixtes, telles que Tosyali, Sider et Algerian Qatari Steel (AQS), devront considérer l’adoption des technologies de production d’acier vert. Parmi les solutions envisagées figurent la réduction directe du minerai de fer à l’hydrogène vert (H₂-DRI), l’utilisation de fours à arc électrique alimentés par de l’électricité renouvelable, et le captage et stockage du carbone (CCS). Ces technologies permettraient de réduire significativement les émissions de CO₂, alignant ainsi la production algérienne avec les normes environnementales internationales.
La centrale solaire de 200 MW constitue une première étape importante vers une production d’acier plus durable, des investissements supplémentaires dans des technologies de réduction des émissions de CO₂ sont essentiels pour que l’acier produit soit pleinement conforme aux normes d’acier vert. Les impacts financiers liés aux régulations environnementales internationales vont, à l’horizon 2035, constituer le premier défi de rentabilité pour le développement du projet de Gara Djibilet.