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La Turquie drague Haftar : un coup d’Ankara au détriment d’Alger ?

Par Oussama Nadjib
2 septembre 2025
De gauche à droite, le président turc Recep Tayyip Erdoğan, le maréchal libyen Khalifa Haftar et le président algérien Abdelmadjid Tebboune.

Alors que la situation est troublée à l’Ouest, Ankara drague le clan Haftar à l’Est. Au détriment d’Alger ?

Tripoli est de nouveau exposée au risque d’un conflit entre milices et forces loyales au Premier ministre libyen Abdel Hamid Dbeibah, alors que des mouvements de troupes de l’armée de Khalifa Haftar sont signalés. Ce dernier, qui prépare une succession dynastique en plaçant ses fils à des postes stratégiques, pourrait relancer sa tentative, déjà échouée, de conquête de la capitale. Contrôlant l’est et une partie du sud de la Libye, Haftar bénéficie du soutien de l’Égypte, des Émirats arabes unis et de la Russie, ce qui renforce son poids régional et complique l’équation pour Ankara et Alger. Dans ce contexte, la Turquie multiplie les gestes envers son camp, dans ce qui peut apparaître comme une démarche pragmatique ou opportuniste.

Un virage annoncé

Ce virage turc se dessinait déjà au printemps 2025 et s’intensifie. Le 25 août, le chef du renseignement turc, Ibrahim Kalin, a rencontré Haftar dans son fief de Cyrénaïque, tandis que des vols militaires turcs vers l’est libyen sont de plus en plus fréquents. Ankara semble désormais jouer sur les deux tableaux : Tripoli et Benghazi.

L’objectif affiché pourrait être de favoriser un compromis entre les deux camps, mais la réalité libyenne – marquée par les divisions et le poids des milices, ainsi que par l’influence russe à l’est – laisse craindre des scénarios moins optimistes, jusqu’à la partition du pays. Dans ce contexte, la Turquie agit surtout pour préserver ses intérêts, en gardant un pied dans chaque camp.

Realpolitik turque

Une « opinion » publiée par l’agence publique turque Anadolu souligne ouvertement la realpolitik d’Ankara. L’objectif est de légitimer l’accord maritime de 2019 avec le Gouvernement d’union nationale libyen, portant sur la délimitation des zones économiques exclusives (ZEE) et du plateau continental en Méditerranée orientale. Conçu pour contrer les alliances entre Grèce, Chypre, Égypte et Israël, le pacte vise à renforcer la position turque dans la région. Le rapprochement avec Haftar s’inscrit donc dans cette logique, même s’il est présenté sous le voile de l’unité libyenne.

Déjà influente à l’ouest, la Turquie cherche à étendre sa présence à l’est, cessant de paraître hostile au clan Haftar, alors que la Russie continue d’y soutenir ce dernier. Ce contexte rend la situation particulièrement complexe pour Alger.

La position algérienne

Fidèle à sa doctrine de non-ingérence et au respect de la souveraineté des États, Alger soutient le gouvernement reconnu par l’ONU à Tripoli et refuse de s’aligner sur les puissances interventionnistes. Un sommet trilatéral avec la Tunisie et la Libye est prévu début 2026 pour renforcer la coopération régionale. Mais le soutien algérien reste essentiellement moral : la réalité mouvante du terrain, où Turquie, Russie, Égypte et Émirats redessinent la carte libyenne, limite l’influence d’Alger.

Quels leviers pour l’Algérie ?

Les relations entre Alger et Haftar restent tendues, marquées par des provocations, comme les mouvements de l’armée de l’est vers le sud-ouest en été 2024. Haftar est perçu comme un acteur instable, soutenu par des puissances étrangères, dont la Russie, et opposé à une solution politique inclusive.

Dans ce contexte, la posture de principe de l’Algérie, cohérente sur le plan diplomatique, peine à se traduire en leviers concrets. La realpolitik et le pragmatisme l’emportent souvent sur les principes, surtout lorsque des intérêts économiques et sécuritaires sont en jeu. A plus forte raison qu’il s’agit de composer avec une Libye fragmentée avec des acteurs extérieurs actifs.

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