Deux cent soixante-dix projets pour 9 milliards de dollars. C’est le bilan que dresse l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI) depuis sa création en novembre 2022. Un portefeuille qui mêle investissements directs et partenariats avec des opérateurs locaux, dans des secteurs aussi variés que l’industrie, l’agriculture ou les énergies renouvelables.
Omar Rekkache, directeur général de l’AAPI, a présenté mercredi ces chiffres lors d’une conférence sur la relance de l’investissement productif. Des données qu’il qualifie lui-même de « préliminaires », en raison du « nombre croissant de manifestations d’intérêt » d’investisseurs étrangers. Une précaution de langage qui traduit l’écart habituel entre annonces et réalisations dans ce domaine.
Car si l’agence communique volontiers sur les intentions, elle reste muette sur les concrétisations. Aucun chiffre n’est fourni sur le nombre de projets effectivement lancés ou sur les montants réellement investis. Une opacité qui n’est pas sans rappeler les précédentes campagnes de communication économique algériennes, souvent démenties par les faits.
Les statistiques de la CNUCED montrent pourtant qu’environ 40 % des projets d’investissement annoncés dans le monde ne dépassent jamais le stade déclaratif. L’Algérie, malgré ses ambitions affichées, n’échappe pas à cette règle générale.
Rééquilibrage territorial affiché
L’AAPI met en avant sa volonté de redistribuer géographiquement les investissements. L’agence dit travailler à la mise à disposition de terrains dans les zones sollicitées, tout en s’efforçant de rendre attractives les régions délaissées. Une approche qui vise à corriger la concentration séculaire de l’activité économique sur la bande côtière.
Quelques réalisations émergent timidement. Des projets ont démarré à Djelfa, Saïda et Chlef, selon M. Rekkache, qui annonce également le lancement lundi d’un projet agroalimentaire à Relizane. Des initiatives qui restent néanmoins anecdotiques face à l’ampleur des déséquilibres territoriaux du pays.
Cette décentralisation se heurte à des obstacles structurels bien identifiés. Les régions de l’intérieur souffrent de déficits infrastructurels chroniques : réseaux de transport défaillants, approvisionnement énergétique incertain, manque de main-d’œuvre qualifiée. Autant de handicaps que l’AAPI n’évoque pas dans sa communication.
Environnement des affaires encore fragile
Ces annonces interviennent dans un contexte de libéralisation progressive de l’économie nationale. Le gouvernement a notamment assoupli la règle 51/49, qui limitait la participation étrangère dans les entreprises locales. Des réformes destinées à séduire les investisseurs internationaux, échaudés par des décennies de restrictions. Mais l’Algérie reste mal classée dans les comparaisons internationales. Le dernier rapport Doing Business de la Banque mondiale plaçait le pays au 157e rang sur 190 pour la facilité de faire des affaires. Bureaucratie, instabilité réglementaire et lourdeurs administratives continuent de dissuader les capitaux étrangers.
La dépendance aux hydrocarbures constitue un autre frein structurel. Les exportations pétrolières et gazières représentent encore 95 % des recettes d’exportation et 60 % du budget de l’État. Cette mono-dépendance expose l’économie aux soubresauts des marchés énergétiques mondiaux et limite l’attractivité des autres secteurs.
Des chiffres à confronter aux réalisations
Les chiffres de l’AAPI doivent être mis en perspective avec les flux d’investissements directs étrangers (IDE) effectivement enregistrés. Selon la Banque d’Algérie et la CNUCED, ces derniers ont atteint 1,2 milliard de dollars en 2023, puis 1,4 milliard de dollars en 2024, illustrant une reprise mais aussi la volatilité des capitaux étrangers vers le pays.
En comparaison, le Maroc a attiré 1,6 milliard de dollars d’IDE en 2024, selon l’Office des changes et la CNUCED, tandis que la Tunisie a enregistré 936 millions de dollars la même année. Ces montants concernent des investissements effectivement réalisés, et non des projets en gestation.