Des parents d’élèves du lycée international Alexandre Dumas menacent d’entamer une procédure auprès du tribunal administratif contre la direction de l’établissement, a appris Maghreb Emergent
La liste des litiges est longue, « elle est d’ordre financier, pédagogique, voire idéologique », nous précisent les plaignants. À commencer par l’application des principes de la laïcité en vigueur dans les écoles françaises, sans tenir compte des lois et de la constitution algériennes.
La convention bilatérale relative à la création du lycée international Alexandre Dumas (LIAD) en Algérie stipule dans son article 1er que cet établissement « sera placé sous la tutelle des administrations et des organismes français concernés » et que « la gestion du lycée sera confiée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ». La partie algérienne « garantit la sécurité de l’établissement », lit-on dans le même article.
Ces conditions signifient-elles que l’administration du lycée Alexandre Dumas appliquera les lois de la République française sans tenir compte de la législation algérienne ? Une note de service relative au ramadan indique clairement que « …comme tous les établissements scolaires français en France ou à l’étranger, le principe de laïcité est automatiquement appliqué dans les quatre sites du lycée (deux sites à Oran, un à Alger et une autre à Annaba)».
Ainsi, la note a considéré que « l’aménagement des horaires de travail en période de ramadan est possible dès lors qu’il n’y a pas de perturbation du service et que les personnels concernés par cette organisation ne font pas part de leurs convictions ni de leurs pratiques à qui que ce soit d’autre qu’à leurs responsables hiérarchiques en charge de l’organisation du service dans les 4 sites du LIAD».
Interdiction du port de voile
Mais si le jeûne ne pose aucun problème avec les principes de laïcité, d’autres signes liés à la religion musulmane sont interdits, notamment le port du hijab, affirment les parents d’élèves. Un ancien enseignant d’histoire du lycée témoigne des humiliations subies par des candidates libres voilées lors d’un examen. “Un professeur de philosophie s’en étant ému auprès du proviseur sous prétexte de laïcité et que le LIAD c’était la France. Il avait alors été décidé d’effectuer sur ces candidates un contrôle supplémentaire discriminatoire, afin de vérifier si, en dessous de leur voile, il n’y avait pas de dispositif facilitant la fraude. Une histoire qui remonte à 2009”, nous raconte M.L
Notre interlocuteur ajoute que “la raison essentielle de ces mesures discriminatoires réside dans cette fausse idée, bien que partagée, que le LIAD relèverait du régime d’extraterritorialité et que la loi française s’y appliquerait de manière péremptoire. Elle témoigne de cette forte prégnance de cette idée que la France peut souverainement en Algérie présenter sa législation comme un référent civilisationnel supérieur à la législation algérienne. Avis largement partagé par la communauté éducative en fonction.”
Le programme national négligé et des employés sans représentant national
Dans le volet pédagogique, l’article quatre de la convention bilatérale exige que le programme algérien d’histoire, de géographie et d’éducation civique soit intégré à côté du programme français et qu’« une place significative soit accordée à la littérature algérienne » dans l’enseignement de la langue française.
Rien de tout cela n’est fait, pourtant les représentants des parents d’élèves ont alerté la direction du lycée qui n a pas apporté de reponses claire, car semble t- il « cette question relève du seul ressort de l’ambassadeur » et ne concernait en rien les parents des élèves.
Les parents se plaignent également du problème de représentation. Seules les associations et organisations françaises sont présentes. Les parents d’élèves sont représentés par « LAPLIAD » (Association des parents d’élèves du lycée Alexandre Dumas) affiliée à « la Fédération des parents d’élèves des établissements d’enseignement français à l’étranger » et enregistrée auprès de la préfecture de Paris .
Quant aux enseignants et aux employés, ils sont représentés par deux sections syndicales affiliées au « syndicat national de l’enseignement secondaire » et au « syndicat général de l’éducation nationale ». Les deux syndicats sont de droit français, alors qu’aucune organisation syndicale du secteur de l’éducation nationale n’est représentée. Malgré la présence d’un pourcentage important d’employés et d’enseignants algériens aux quatre sites du lycée Alexandre Dumas, ainsi que la présence d’élèves algériens qui avoisine les 75% de l’ensemble des élèves de l’établissement. Parmi Les 25% restants, on trouve des Français et d’autres élèves étrangers.
Augmentations fréquentes des frais de scolarité
Sur le volet financier, les parents d’élèves du lycée international français se plaignent des augmentations fréquentes des frais de scolarité de leurs enfants. L’augmentation a atteint 52 % au cours des neuf dernières années et environ 20 % au cours des cinq dernières années, nous affirme un parent d’élève.
Ce qui fait du LIAD Algérie le plus cher de la région. Bien que l’accord publié au Journal officiel en mars 2002, accorde au lycée l’autonomie financière et la liberté de fixer les frais de scolarité, en informant autorités des deux pays, ces augmentations répétées posent un défi important aux parents pour assurer la stabilité de la scolarité de leurs enfants.
Contactés par Maghreb Emergent, ces parents estiment le coût moyen par élève pour l’année scolaire en cours à près de 800 000 dinars, sans compter les frais d’examen, qui ont également augmenté de 430 % en trois ans. À titre d’exemple, le coût des épreuves du baccalauréat pour l’année scolaire en cours a atteint 2 210 euros, contre 293 euros en Tunisie et 356 euros au Maroc.