Par Samy Injar
L’Algérie accuse un retard structurel dans le développement des énergies renouvelables, en particulier le solaire, malgré un ensoleillement parmi les plus favorables au monde. Ce n’est qu’au premier trimestre 2025 que des signes concrets d’accélération sont apparus, avec l’importation de 460 mégawatts (MW) de panneaux photovoltaïques — un volume inédit qui met surtout en lumière l’atonie des années précédentes. À ce jour, le pays n’a toujours pas franchi le seuil symbolique d’un gigawatt (GW) de capacité solaire connectée au réseau national — un objectif atteint depuis longtemps par plusieurs comparables. Si ces importations massives traduisent une volonté nouvelle, elles effacent à peine deux décennies de retards et d’hésitations.
Un appel d’offres tardif, mais structurant
Face à l’urgence de diversifier son mix énergétique, Sonelgaz a lancé en 2023 un appel d’offres majeur : 2 000 MW répartis sur 15 centrales solaires dans 12 wilayas. Près de dix ans après les premières annonces de transition énergétique, les contrats ont finalement été attribués à huit consortiums mêlant entreprises locales et partenaires étrangers. Le chantier a réellement démarré fin 2024, avec les premières poses de pierre. Le fournisseur chinois Astronergy a été retenu pour livrer une grande partie des modules, permettant de lancer les travaux. Ce mouvement marque une rupture, mais les échecs passés incitent à la prudence.
Des projets qui pourraient permettre de franchir le seuil du Gigawatt
Parmi les 15 projets retenus, plusieurs avancent rapidement. La centrale de Biskra (220 MW), ainsi que celles d’Ouled Djellal, Laghouat et Béchar figurent parmi les plus avancées. Si ces installations entrent en service dans les délais, et si les 437 MW déjà installés sont pleinement connectés au réseau, l’Algérie pourrait enfin franchir le cap du gigawatt injecté. Rien n’est garanti cependant : des contrats ont récemment été annulés pour trois sites majeurs — Kenadsa, Tamacine et Touggourt — en raison du non-respect des engagements contractuels. Ce premier GW, s’il est atteint, sera autant un rattrapage qu’un signal, encore partiel, d’un changement de cap.
Un potentiel exceptionnel, un classement désastreux
Le contraste entre les ressources solaires de l’Algérie et sa performance réelle reste saisissant. En 2023, le pays occupait le 183e rang mondial pour la production d’électricité à faible intensité carbone. Plus de 98 % de l’électricité continue d’être produite à partir du gaz naturel. Ce retard ne tient pas seulement à des blocages techniques : il reflète un manque de volonté politique, une lenteur administrative et un pilotage institutionnel souvent hésitant. Pourtant, les objectifs affichés à l’horizon 2035 sont ambitieux : 15 000 MW de capacités renouvelables, en grande majorité solaires. Atteindre ce seuil exigera bien plus que de maintenir le rythme actuel. Il faudra surtout lever les freins structurels, clarifier les responsabilités institutionnelles et bâtir une véritable industrie locale. Si le premier GW est atteint en 2025, ce sera une étape tardive, mais indispensable, sur un chemin qui reste long.