L’allocation touristique de 750 euros, entrée en vigueur le 20 juillet 2025, provoque déjà de fortes tensions en Algérie. Cette mesure, destinée à soutenir les citoyens souhaitant voyager à l’étranger, se transforme progressivement en un véritable défi budgétaire et logistique pour l’État.
D’abord, les autorités doivent mobiliser des volumes massifs de devises pour satisfaire une demande en croissance continue. Ensuite, les banques sont contraintes de renforcer leurs effectifs pour gérer l’afflux de dossiers liés à l’allocation touristique. Les délais s’allongent. Les charges de traitement augmentent.
400 millions d’euros en deux mois
En seulement deux mois — du 20 juillet au 20 septembre 2025 — près de 400 millions d’euros ont été changés au titre de l’allocation touristique. Un montant colossal dans un contexte de baisse persistante des recettes publiques en devises, liée au recul des prix des hydrocarbures. Par conséquent, le maintien des conditions actuelles d’octroi risque d’aggraver l’érosion des réserves de change, déjà fragilisées, pour répondre à une demande toujours plus élevée.
Par ailleurs, la nouvelle allocation touristique a favorisé l’émergence d’un business parallèle lucratif centré sur les voyages organisés vers la Tunisie. Cette activité repose sur l’écart croissant entre le taux de change officiel et celui du marché noir.
La méthode reste simple. Des agences recrutent principalement des jeunes résidents algériens. Elles constituent ensuite des groupes de 40 à 50 personnes, avant de louer un bus à destination de la Tunisie. Chaque participant obtient son allocation touristique de 750 euros au taux officiel moyen de 151 dinars pour un euro, soit environ 113 250 dinars algériens.
Une fois sur place, les voyageurs sont hébergés pendant sept jours dans des logements à très bas coût — souvent mal situés et peu équipés — afin de limiter les dépenses. Après le séjour, le groupe regagne l’Algérie. Les euros sont alors revendus sur le marché parallèle, où l’euro s’échange autour de 280 dinars. Grâce à cet arbitrage, chaque voyageur récupère une grande partie, voire la totalité, de la somme initialement déboursée.
Cette pratique cause des pertes financières directes pour l’Algérie et un casse tête pour la Tunisie. Face à l’ampleur du phénomène, les autorités des deux pays sont passées à l’action.
Les autorités des deux pays réagissent
En Algérie, les pouvoirs publics ont décidé de limiter les déplacements de bus vers la Tunisie à un seul trajet par mois. En complément, une autorisation spéciale est désormais exigée pour chaque sortie internationale de bus. Ces décisions réduisent fortement le nombre de rotations autorisées et le volume de voyageurs concernés.
Du côté tunisien, les autorités imposent désormais la détention d’un permis de conduire international pour tout chauffeur algérien désirant circuler sur leur territoire.
Ces mesures, entrées en vigueur cette semaine, ont déjà eu un impact immédiat. Les agences de voyages multiplient les annonces concernant l’annulation des départs collectifs initialement programmés pour le mois de décembre.
Ainsi, l’allocation touristique, pensée comme un avantage pour les voyageurs, s’impose désormais comme un véritable casse-tête pour les autorités algériennes, confrontées à la nécessité de protéger les réserves de change tout en luttant contre les dérives d’un système devenu vulnérable aux abus.