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L’an 1 du Hirak obscurcit l’avenir de Chengriha-Tebboune (Editorial)

Par Ihsane El Kadi
21 février 2020
Photo: Aboubaker Khaled pour Maghreb Émergent


Impossible à dissoudre dans le traitement sécuritaire, le mouvement populaire peut-il encore imposer un changement de cap aux épigones de Ahmed Gaïd Salah ?

Les Algériens ne veulent plus d’un régime politique dominé par l’armée. Ils l’ont encore répété, ce vendredi 21 février 2020,  par centaines de milliers à travers le pays et dans la capitale.

L’intronisation par les militaires de Abdelmadjid Tebboune, 74 ans, figure du système dénoncé,  à la présidence de la république le 12 décembre dernier ne pouvait donc pas être la réponse à une année de mouvement populaire pour le changement démocratique. Tout le monde le pressentait. Fallait-il le tester et prendre le risque d’une impasse historique ?

C’était le choix de Ahmed Gaïd Salah l’homme fort du pays, au nom de l’ANP, après la chute de son mentor Abdelaziz Bouteflika. Redonner coûte que coûte une façade civile au pouvoir réel des militaires. A la manière identique que les Algériens rejettent depuis leur soulèvement contre le 5e mandat.

Tout se poursuit comme si le 12 décembre pouvait effacer le 22 février. Dispositif sécuritaire anti-Hirak, répression des manifestants dans les wilayas, interdiction des activités publiques en salle, censure du Hirak et de l’opposition dans les médias, sanctions administratives contre les magistrats indépendants, omnipotence de la police politique consacrant le primat du sécuritaire sur le politique.

Les manifestations populaires de ce vendredi anniversaire retentissant n’étaient au fond pas nécessaires pour rappeler que ce cap n’en est pas un. La résilience du Hirak est supérieure à celle du régime. Il le démontrait depuis maintenant si longtemps. Semaine après semaine. Tenter de l’arrêter sans répondre à sa revendication centrale, un Etat civil pas un Etat militaire, va engloutir toutes les énergies de ce gouvernement et tous les suivants. Alors que le sablier de la crise économique s’est retourné.

Ignorer la dignité des Algériens puis résister à leur volonté, a déjà valu bien un funeste sort aux comparses du Bouteflikisme moribond.  Frère, patrons du DRS, anciens premiers ministres, kyrielle de ministres, oligarques puissants relais d’affaires,  liste de déchéances pénitentiaires à  laquelle il est loisible d’ajouter l’épuisement  physique et mental du défunt chef d’Etat-major déployé en surrégime pour tenter de contenir la marche de l’Histoire par de récurrents discours de menaces et d’anathèmes.  Le Hirak, en dépit de ses moments de doute, a clairement bien mieux passé le cap de l’année que le système en hyper ventilation.

Otages du sécuritaire

La persistance, en élan inertiel, de la feuille de route sécuritaire pour renouveler le même système commence à peser de son coût. Inflationniste. Les forces de sécurité sont lessivées et le laissent transparaitre.

Les  mouvements sociaux vont crescendo et pèsent déjà sur l’ambiance politique, les investisseurs nationaux et étrangers comptabilisent les pertes et regardent ailleurs. Personne ne pense sérieusement, pas même Tebboune lorsqu’il parle au Figaro, à un nouvel élan politique que pourrait encore apporter une constitution nouvelle, fabriquée dans les laboratoires du pouvoir et validée par un parlement rejeté autant que le président lui-même. Le référendum pour la « plébisciter » est bien parti pour être un autre 12 décembre 2019. Un passage en force qui rendra l’issue plus lointaine. Le scénario de l’enlisement marécageux guette alors tranquillement le pays.

Il ne s’est trouvé personne ni à la tête de l’Etat-major, ni à la présidence pour reconsidérer la trajectoire vouée à l’échec de ce statu quo à peine déguisé.

La disparition brutale, le 23 décembre dernier, du champion de la ligne sécuritaire la plus obtuse, aurait dû, en théorie, ouvrir la porte à une inflexion vers l’écoute du mouvement populaire. Tebboune sous le coup de l’émotion a même évoqué un dialogue avec le Hirak au lendemain de sa victoire dans la primaire du système.  Son entourage répète à l’envie, qu’il veut réellement le changement auquel aspire le peuple. Mais a besoin de temps.  

La vérité est que « son » temps a été consommé en 2019, lorsque l’Etat-major a refusé, fin mars, une transition indépendante. Et a dû consommer 9 précieux mois pour bricoler un processus « constitutionnel » vers la « réélection » d’un civil docile à El Mouradia.

Le nouveau chef d’Etat-major par intérim, Saïd Chengriha a choisi de rester dans les pas de son puissant prédécesseur. Ce que faisant, il s’est fait totalement otage d’une approche sécuritaire du cas 22 février. C’est à dire d’une révolution démocratique aux ressources considérables. 

Le tandem Chengriha-Tebboune a consommé tous ses jokers depuis le 12 décembre et le 23 décembre. Peut-il encore prendre l’initiative historique d’un changement de cap ? Traiter les Algériens comme ce qu’ils sont redevenus, des citoyens acteurs politiques de leur destin national ?  Soyons froids. Rien ne le laisse présager. Si toutefois cela devait tout de même survenir – dans un ténu sursaut de clairvoyance après cette commémoration de l’an 1-  le nouveau cap dans son ébauche est, pour tous, facile à reconnaître. C’est le cap sur les libertés.

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