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L’annulation d’une subvention pour la mosquée de Metz clôt une année très islamophobe en France

Par Oussama Nadjib 31 décembre 2025
Le projet de la mosquée de Metz, entamé en 2021, majoritairement financé par les dons des fidèles, est estimé à plus de 15 millions d’euros

« Tapez muslim, muslim, muslim. » Le mot d’ordre attribué à CNews semble avoir trouvé son prolongement jusqu’au dernier jour de l’année 2025 en France. Les musulmans s’y retrouvent une nouvelle fois au cœur d’un épisode symbolique : l’annulation par la justice d’une subvention municipale destinée à la construction de la grande mosquée de Metz.
Ce dénouement judiciaire n’est pas anodin. Il vient clore une année marquée par une succession de séquences médiatiques et politiques qui ont régulièrement mis en cause l’ensemble de la population musulmane, sur des bases contestables et souvent stigmatisantes.
Le 30 décembre, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la subvention municipale de 490 000 euros votée pour la construction de la future grande mosquée de Metz. Le tribunal a estimé que la municipalité n’avait pas suffisamment démontré l’existence d’un intérêt public local justifiant cette aide, malgré un besoin réel pour accueillir les fidèles et développer des espaces éducatifs et culturels.
En Alsace-Moselle, le régime particulier issu du Concordat autorise pourtant le financement public des cultes. La juridiction a cependant fondé sa décision sur l’absence de données chiffrées jugées suffisantes pour établir ce besoin. Une exigence paradoxale, alors que la France ne collecte pas officiellement de statistiques démographiques fondées sur l’appartenance religieuse.
Le chantier, entamé en 2021 et majoritairement financé par les dons des fidèles, est estimé à plus de 15 millions d’euros. L’édifice doit pouvoir accueillir jusqu’à 4 000 fidèles et comprendre, outre le lieu de culte, un centre éducatif et culturel, quinze salles de classe pour l’enseignement de l’arabe et du Coran, ainsi qu’une salle de sport et un hammam.
Une décision jugée « hors sol »
Le maire de Metz, François Grosdidier (ex-Les Républicains), a vivement critiqué une décision qu’il juge « hors sol ». Il a annoncé son intention de faire appel, affirmant qu’il apporterait la preuve qu’une grande mosquée est nécessaire « au moins chaque vendredi de l’année et chaque jour du mois de ramadan ».
Pour l’édile, « les conditions actuelles offertes à Metz pour la pratique du culte musulman ne répondent pas aux besoins ». La pratique s’exerce aujourd’hui « dans des conditions indignes pour ses pratiquants et insupportables pour les riverains », a-t-il ajouté.
Cette prise de position est notable venant d’un élu de droite. Elle souligne que la décision judiciaire ne fait pas consensus politiquement et qu’au-delà du débat juridique, il existe localement un accord sur la nécessité concrète d’un lieu de culte et d’un centre culturel adaptés pour la communauté musulmane de Metz. Mais ce débat s’inscrit dans un climat plus large, marqué par une mise à l’index récurrente des musulmans dans les médias et le champ politique.
Quand la télévision publique essentialise les musulmans
En décembre 2025, sur Franceinfo, la journaliste Nathalie Saint-Cricq a évoqué dans l’émission Tout est politique l’idée que certains responsables politiques pourraient tenir des propos antisémites afin de séduire « l’électorat musulman », en se référant à des études présentées comme étayées.
Un propos dénoncé comme un amalgame grave, revenant à essentialiser les musulmans et à les associer collectivement à l’antisémitisme. Cette séquence a conduit La France insoumise à saisir l’Arcom, tout comme Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui a publiquement dénoncé une stigmatisation.
Un sondage qui s’inquiète que les musulmans soient… musulmans
À l’automne 2025, l’institut IFOP a publié, pour la revue Écran de veille, une enquête portant sur « le rapport des musulmans à l’islam et à l’islamisme », réalisée auprès de 1 005 personnes se déclarant musulmanes. Le sondage mettait notamment en avant une pratique religieuse jugée plus fréquente chez les jeunes musulmans, présentée dans certains commentaires médiatiques comme un signe de « rigorisme ».
Pour de nombreux musulmans de France, cette lecture a surtout illustré une critique récurrente : le reproche principal qui leur est adressé serait, en réalité, d’être simplement… musulmans.
Peu connue du grand public, Écran de veille est une feuille confidentielle qui se présente comme un média d’analyse consacré aux questions sécuritaires, identitaires et religieuses. Elle est régulièrement citée comme un outil de cadrage idéologique très relayé dans certains cercles politico-médiatiques.
Plusieurs responsables politiques, journalistes et observateurs ont interrogé l’opacité de son modèle économique et de ses réseaux d’influence, évoquant des soupçons de financements en provenance des Émirats arabes unis, pays engagé depuis plusieurs années dans une stratégie active de lutte contre l’islam politique. Ces accusations, formulées dans le cadre de débats publics et parlementaires et relayées par la presse, n’ont toutefois pas donné lieu, à ce stade, à des décisions judiciaires établissant formellement ces liens.
Une fin d’année symptomatique
La commande par Écran de veille de ce sondage IFOP, à la méthodologie très contestée, a été perçue par ses détracteurs comme participant à une stratégie d’entretien de la confusion entre pratique religieuse, radicalité et menace sécuritaire. Une perception renforcée par la manière dont certaines conclusions ont été reprises dans le débat public pour nourrir des discours généralisants sur les musulmans en tant que groupe.
Le Conseil français du culte musulman a dénoncé une stigmatisation, plusieurs conseils départementaux ont engagé des démarches judiciaires, et La France insoumise a saisi la justice pour dénoncer l’utilisation du sondage dans des discours jugés discriminatoires.
Entre l’annulation de la subvention pour la mosquée de Metz, les propos tenus sur une chaîne publique, la controverse autour du sondage IFOP et le traitement quotidien des musulmans sur certaines chaînes d’information continue, l’année 2025 s’achève comme une séquence durant laquelle les musulmans de France ont été placés au centre de polémiques répétées, souvent stigmatisantes, dans l’espace médiatique et le débat public. Un climat dont la décision judiciaire de Metz apparaît, pour beaucoup, comme le dernier symbole.

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