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Algérie: Le crédit à la consommation, petite consolation face à la hausse des prix

Par Mohamed Boukhalfa
5 janvier 2016

Le crédit à la consommation, interdit en 2009, revient au moment où les revenus des ménages menacent de s’effondrer. Supposé favoriser la production nationale, il risque d’avoir un faible impact sur l’économie algérienne.

 

 

Le crédit à la consommation, réhabilité aux termes d’une longue période d’indécision, attend toujours la définition de mécanismes d’application avant d’entrer en vigueur. Mais d’ores et déjà, les spécialistes notent qu’il arrive à contretemps, au moment où les Algériens s’attendent à une baisse de leurs revenus, suite à la chute des prix du pétrole et de la réduction de moitié des revenus extérieurs du pays qui s’en est suivie.

Trois ministres du gouvernement Sellal ont signé, le 29 décembre, un arrêté interministériel portant retour du crédit à la consommation, réservé exclusivement aux produits fabriqués ou montés en Algérie. MM. Abdessalam Bouchouareb, ministre de l’industrie, Bakhti Belaïb, ministre du commerce, et Abderrahmane Benkhalfa, ministre des finances, ont consacré cette mesure, qui semble prise à contrecœur, tant elle va à l’encontre de ce que souhaitait le gouvernement jusque-là. Supposé encourager la production nationale et améliorer le pouvoir d’achat- des ménages, ce mode de crédit a mis près de dix huit mois avant de voir le jour, tant le gouvernement semblait hésitant.

Les consommateurs devront encore attendre avant d’en bénéficier. Interrogé lundi soir sur le lancement de la formule, un banquier a répondu, laconique : « j’en ai entendu parler comme vous, dans la presse. Pas plus ».

A contretemps

Le crédit à la consommation avait été supprimé en 2009 par M. Ahmed Ouyahia, alors premier ministre, sous prétexte qu’il risquait de provoquer un surendettement des ménages. Aussitôt après, l’Algérie avait connu une explosion des revenus, le président Bouteflika ayant décidé des augmentations de salaires substantielles pour éviter une explosion dans la foulée du « printemps arabe ».

Aujourd’hui, la situation financière s’est inversée. Le crédit à la consommation intervient dans une période de baisse sensible des revenus des ménages, attaqués par la hausse des prix et l’inflation. Il va contribuer à amortir la baisse du pouvoir d’achat : les ménages pourront acquérir des biens en les payant à tempérament, plutôt que de les payer cash. Dans l’absolu, c’est une bonne chose, car la formule va obliger les Algériens à apprendre à mieux gérer leur budget.

Aura-t-il un impact sur la production nationale? Les avis sont partagés. La production algérienne reste faible, et la différence des prix avec des produits étrangers, de meilleure qualité, est peu significative, en raison d’un dinar surcoté. L’économiste Abderrahmane Mebtoul le dit clairement.  « L’Algérie souffre d’absence de facteurs de production compétitifs en termes de coût-qualité, et non pas d’oisiveté » de la part des consommateurs, a-t-il écrit cette semaine.

Faible taux d’intégration

Le gouvernement a longuement hésité sur les produits éligibles au crédit. Finalement, il n’a pas suivi les avis des économistes qui recommandaient un taux minimum d’intégration, comme Abderrahmane Mebtoul. Cela risquait en effet de déboucher sur des procédures bureaucratiques interminables.

Mais la formule retenue n’est pas exempte de reproches. Il suffit du label « made in Algeria » pour que le produit soit éligible, ce qui signifie que des véhicules Renault, assemblés en Algérie, sans aucun apport industriel,  peuvent bénéficier de la formule. Il en est même de nombreux appareils électroménagers, dans lesquels il n’y a aucune pièce de fabrication locale.

La mise en place de la nouvelle formule ne peut, par ailleurs, effacer la principale tare véhiculée par le retour du crédit à la consommation : il s’agit d’une mesure « politique », décidée par le gouvernement et mise en place par l’administration, alors que l’économie algérienne avait besoin d’un arbitrage du marché. Le gouvernement continue à agir sur les leviers les plus faciles -autoriser, interdire, contingenter-, mais il hésite toujours à mettre en place des instruments de régulation basés sur la valeur du dinar, la compétition et la transparence des transactions.

 

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