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Pendant ce temps au Maroc: Le curseur politique du futur gouvernement penche à droite

Par Oussama Nadjib 20 décembre 2016
Benkirane avec Aziz Akhannouch (DR)

 

Au Maroc, le décès de la mère de Abdelilah Benkirane, qui a beaucoup joué dans sa popularité, est devenu un évènement politique. Qui fait pencher le curseur politique du futur gouvernement vers la droite…

 

 Deux mois après les élections législatives, le Maroc n’a toujours pas de gouvernement. Si on peut parler de crise politique dont M. Abdelilah  Benkirane porterait la responsabilité, le sort l’a accablé cette semaine. Le chef du gouvernement a perdu sa mère et c’est un événement politique.

 D’une part, la défunte était un personnage central de la famille et M. Benkirane n’a jamais hésité à la mettre en avant. C’était sa confidente et un de ses meilleurs atouts de « chaabi » qui le rend si populaire auprès des Marocains, n’en déplaise à Tahar Benjelloun*

 D’autre part, les funérailles ont été l’occasion de retrouvailles, d’accolades et de moments de complicité, réunissant des ennemis irréconciliables, tous ayant rendu visite à Abdelilah Benkirane comme de tradition.

 Une des visites les plus remarquables a été celle de M. Aziz Akhannouch, nouveau patron du Regroupement National des indépendants (RNI) qui semble s’entendre de nouveau avec le chef du Parti Justice et Développement (PJD), pointant de ce fait le curseur du futur gouvernement vers la droite, aux dépens de l’Istiqlal (plus à gauche) comme le laissaient présager les résultats des élections et les déclarations d’intentions qui s’en suivirent.

 

Petit décryptage de la scène politique marocaine

 

La précédente législature était une coalition hétéroclite comprenant le PJD (islamiste façon AKP) le Parti du Progrès Socialiste (PPS, descendant de la mouvance d’extrême gauche qui s’est montré un allié infaillible des islamistes) le Rassemblement National des Indépendants (RNI, un maelström d’hommes d’affaires prospères et de hauts fonctionnaires) des partis à ancrage local (MP et UC) et des technocrates.

 La politique était clairement libérale : décompensation, relèvement de l’âge légal de la retraite, facilitation des investissements. Les résultats sont concrets, le Maroc caracole en tête des fameux classements de climat des affaires et il n’a jamais été aussi attractif pour les investissements directs étrangers (IDE).

 Les Marocains ne se sont pas contentés de recevoir seulement et sont partis à la conquête de l’Afrique : la moitié des IDE dans le Sahel proviennent du Maroc. Socialement, c’est autre chose. L’éducation et la santé n’ont pas été touchées par la même grâce. L’opposition y a vu une opportunité et a tapé fort sur la coalition menée par le PJD pendant la campagne électorale.

Le Parti de L’Istiqlal se voyait déjà au gouvernement, faisant pencher la politique du gouvernement un peu plus à gauche, avec l’aide de l’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP). Cette hypothèse semble s’éloigner et l’alliance avec le RNI se concrétiser avec un consentement royal. La voie est donc ouverte pour accélérer la politique de libéralisation avec le RNI en tête de pont du gouvernement.  

 

 Le libéralisme au Maroc, c’est quoi ?

 

Qu’est-ce que le libéralisme au Maroc ? Une phrase de M. Mohamed Boussaïd, Ministre de l’Economie et des finances du gouvernement sortant, résume toute la démarche. Se prononçant sur les résultats des accords de libre-échange entre le Maroc et Les Etats-Unis, il avait déclaré : « ce que l’on perd en déficit, on le compense en attractivité ».

 Pourtant, M. Boussaid n’est pas un homme d’affaires intéressé. C’est un haut fonctionnaire marocain formé à l’Ecole des Ponts et Chaussées Paris et qui sert l’Etat depuis 20 ans. Il ne fait qu’appliquer la politique économique du règne de Mohamed VI.  En effet, la démarche est dans l’attractivité et la levée des barrières : Offshoring, zones franches et accords de libre-échange bilatéraux. 

 Le ministre de l’économie parle de déficit ? A fin novembre, la balance commerciale marocaine était déficitaire avec un solde négatif de 16 Milliards de dollars.  Et pourtant tout le monde reste droit dans ses bottes.

 On envisage même une plus grande flexibilité de la convertibilité du Dirham… Pourquoi ? Les IDE continuent à affluer (deuxième marché destination en Afrique 3,2 Milliards en 2015) et la confiance des multinationales ne se dément pas : Casablanca devient un Hub régional et une ville appréciée des expatriés qui se transforme à vue d’œil.

 Certes, cette politique est créatrice de croissance, mais elle n’est pas sans risques. Elle conduit à des choix peu populaires -levée des subventions notamment- et cession d’actifs, à cause d’une dépendance accrue aux financements étrangers.

 La saga SAMIR en est d’ailleurs un exemple éclatant. La seule raffinerie du Maroc, rachetée par le milliardaire Saoudien Al Amoudi avec le consentement du gouvernement, a fini en liquidation judiciaire à cause du manque d’intérêt du repreneur qui fut jadis traité en sauveur.  Les semaines à venir seront donc cruciales pour le Maroc, dans son orientation politique et économique qui se précisera au gré des alliances partisanes.

 

*Tahar Benjelloun a déclaré que les électeurs marocains ont voté PJD par « manque d’éducation ».

 

LIRE AUSSI : Pendant ce temps au Maroc: Mohamed VI s’essaye à l’autre Afrique

 

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