Le gouvernement algérien a décidé, lundi dernier, de transférer l’attribution des agréments automobiles au seul Conseil des ministres. Jusqu’ici confiée au ministère de l’Industrie, cette responsabilité devient une affaire du sommet de l’État. Un choix qui symbolise l’enlisement bureaucratique d’un secteur stratégique, paralysé par des blocages administratifs, des incertitudes financières et l’absence d’un pilotage politique assumé.
Des autorisations à haut risque politique
Cette centralisation des décisions s’inscrit dans une logique de contrôle renforcé des importations, mais elle risque de désorganiser davantage un marché en souffrance. Les dossiers de concessionnaires s’accumulent sans traitement, et aucun nouvel agrément n’a été délivré depuis novembre 2023 alors que le programme d’importation de cette année n’a pas été réalisé entièrement. Le moindre agrément devient un enjeu politique, souvent tributaire de tractations opaques. Quatre ministres se sont succédés au poste de l’industrie depuis janvier 2020sans que la relance de la filière ne devienne effective. L’assemblage automobile lancé en 2015 est à l’arrêt y compris pour le partenariat Renault -SNVIà Oran. Les importations par les 38 concessionnaires agréés en 2022-2023 n’ont pas modifié la structure du marché dominé par la rareté de l’offre de voitures neuves.
Une offre qui s’effondre depuis dix ans
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Entre 2005 et 2015, l’Algérie enregistrait chaque année entre 270 000 et 300 000 immatriculations. Cette moyenne est tombée à 130 000 véhicules par an entre 2015 et 2019, puis à environ 77 000 pour la période 2020–2025. Sur les cinq dernières années, le déficit moyen atteint 200 000 véhicules par an, selon les estimations du Groupement des concessionnaires agréés (GCA). La demande reste forte, mais structurellement insatisfaite.
Ce déséquilibre s’apparente à un rationnement : les besoins sont là, mais l’offre est verrouillée. Le marché fonctionne au ralenti, dépendant du bon vouloir des autorités.
Des véhicules d’occasion loin de combler le vide
Face à la crise, l’État a rouvert en 2023 l’importation de voitures d’occasion de moins de trois ans. En 2024, jusqu’en septembre, environ 26 500 véhicules ont été importés, contre moins de 11 000 l’année précédente. Si la dynamique est réelle, elle reste insuffisante au regard d’une demande qui dépasse toujours les 150 000 unités, selon l’Association nationale des revendeurs de véhicules.
La suspension – aujourd’hui levée – des cartes grises en octobre 2024 a brutalement freiné cette reprise. À cela s’ajoute un coût élevé à la livraison, souvent supérieur à celui de véhicules neufs assemblés localement, (FIAT) ce qui réduit encore l’attractivité du segment.
Les marques chinoises, bien que peu onéreuses et rapidement disponibles, concentrent leurs ventes sur l’entrée de gamme. Elles répondent à une partie de la demande mais ne suffisent pas à relancer globalement le marché.
L’impasse industrielle se prolonge
La stratégie industrielle controversée adoptée en 2015, centrée sur l’assemblage local de véhicules (CKD, SKD) sans TVA a été abandonnée dès le début de l’ère de Abdelmadjid Tebboune. Elle peinetoutefois toujours à trouver une suite . Depuis l’arrêt des principaux projets en 2019, seules quelques initiatives peinent à se remettre en marche.
L’usine FIAT d’Oran a timidement relancé sa production, mais ne commercialise que trois modèles, à des volumes jugés négligeables.. Le projet d’usine SKD annoncé fin 2024 par Hyundai est déjà confronté à des retards dans les infrastructures, notamment en approvisionnement énergétique. Quant aux partenariats suspendu avec Renault, et projeté avec Peugeot ou Geely, ils restent en suspens dans l’attente d’un cadre réglementaire plus stable.
Un secteur à l’arrêt, une économie qui patine
Ce déficit chronique en véhicules neufs ne pèse pas uniquement sur le consommateur. Il freine l’investissement privé dans les secteurs connexes – sous-traitance, logistique, maintenance – et entretien une surcote inflationniste du marché de l’occasion. . Sur le plan social, la vétusté du parc automobile génère des coûts croissants liés aux accidents, à la pollution et à l’entretien.
Sortir de l’impasse : promesses et doutes
Le plan quinquennal 2025–2030, dévoilé fin juin, prévoit une relance de l’importation à travers l’ouverture conditionnelle des agréments aux concessionnaires historiques. Mais les critères restent flous : aucun quota n’a été communiqué, ni les mécanismes de financement ou de répartition régionale. Le sentiment dominant à Alger dans le sillage de la décision au sujet des agréments des concessionnaires est que le dinar convertible dédié à l’importation de véhicules neufs va rester chiche. Les plus fortunés des citoyens devront de plus en plus compter surtout sur leur épargne en devises pour renouveler leur voiture
Sans calendrier clair, ni dispositifs incitatifs précis, cette annonce reste pour l’instant un signal politique, non un plan opérationnel. D’après Samir Yahiaoui, analyste au cabinet AutoPolis Consulting, « le problème n’est plus technique ou industriel. Il est politique. L’État ne tranche pas entre fermeture protectionniste et ouverture régulée ».
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Le déficit en voitures neuves se creuse en Algerie
Samy Injar
Le gouvernement algérien a décidé, lundi dernier, de transférer l’attribution des agréments automobiles au seul Conseil des ministres. Jusqu’ici confiée au ministère de l’Industrie, cette responsabilité devient une affaire du sommet de l’État. Un choix qui symbolise l’enlisement bureaucratique d’un secteur stratégique, paralysé par des blocages administratifs, des incertitudes financières et l’absence d’un pilotage politique assumé.
Des autorisations à haut risque politique
Cette centralisation des décisions s’inscrit dans une logique de contrôle renforcé des importations, mais elle risque de désorganiser davantage un marché en souffrance. Les dossiers de concessionnaires s’accumulent sans traitement, et aucun nouvel agrément n’a été délivré depuis novembre 2023 alors que le programme d’importation de cette année n’a pas été réalisé entièrement. Le moindre agrément devient un enjeu politique, souvent tributaire de tractations opaques. Quatre ministres se sont succédés au poste de l’industrie depuis janvier 2020sans que la relance de la filière ne devienne effective. L’assemblage automobile lancé en 2015 est à l’arrêt y compris pour le partenariat Renault -SNVIà Oran. Les importations par les 38 concessionnaires agréés en 2022-2023 n’ont pas modifié la structure du marché dominé par la rareté de l’offre de voitures neuves.
Une offre qui s’effondre depuis dix ans
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Entre 2005 et 2015, l’Algérie enregistrait chaque année entre 270 000 et 300 000 immatriculations. Cette moyenne est tombée à 130 000 véhicules par an entre 2015 et 2019, puis à environ 77 000 pour la période 2020–2025. Sur les cinq dernières années, le déficit moyen atteint 200 000 véhicules par an, selon les estimations du Groupement des concessionnaires agréés (GCA). La demande reste forte, mais structurellement insatisfaite.
Ce déséquilibre s’apparente à un rationnement : les besoins sont là, mais l’offre est verrouillée. Le marché fonctionne au ralenti, dépendant du bon vouloir des autorités.
Des véhicules d’occasion loin de combler le vide
Face à la crise, l’État a rouvert en 2023 l’importation de voitures d’occasion de moins de trois ans. En 2024, jusqu’en septembre, environ 26 500 véhicules ont été importés, contre moins de 11 000 l’année précédente. Si la dynamique est réelle, elle reste insuffisante au regard d’une demande qui dépasse toujours les 150 000 unités, selon l’Association nationale des revendeurs de véhicules.
La suspension – aujourd’hui levée – des cartes grises en octobre 2024 a brutalement freiné cette reprise. À cela s’ajoute un coût élevé à la livraison, souvent supérieur à celui de véhicules neufs assemblés localement, (FIAT) ce qui réduit encore l’attractivité du segment.
Les marques chinoises, bien que peu onéreuses et rapidement disponibles, concentrent leurs ventes sur l’entrée de gamme. Elles répondent à une partie de la demande mais ne suffisent pas à relancer globalement le marché.
L’impasse industrielle se prolonge
La stratégie industrielle controversée adoptée en 2015, centrée sur l’assemblage local de véhicules (CKD, SKD) sans TVA a été abandonnée dès le début de l’ère de Abdelmadjid Tebboune. Elle peinetoutefois toujours à trouver une suite . Depuis l’arrêt des principaux projets en 2019, seules quelques initiatives peinent à se remettre en marche.
L’usine FIAT d’Oran a timidement relancé sa production, mais ne commercialise que trois modèles, à des volumes jugés négligeables.. Le projet d’usine SKD annoncé fin 2024 par Hyundai est déjà confronté à des retards dans les infrastructures, notamment en approvisionnement énergétique. Quant aux partenariats suspendu avec Renault, et projeté avec Peugeot ou Geely, ils restent en suspens dans l’attente d’un cadre réglementaire plus stable.
Un secteur à l’arrêt, une économie qui patine
Ce déficit chronique en véhicules neufs ne pèse pas uniquement sur le consommateur. Il freine l’investissement privé dans les secteurs connexes – sous-traitance, logistique, maintenance – et entretien une surcote inflationniste du marché de l’occasion. . Sur le plan social, la vétusté du parc automobile génère des coûts croissants liés aux accidents, à la pollution et à l’entretien.
Sortir de l’impasse : promesses et doutes
Le plan quinquennal 2025–2030, dévoilé fin juin, prévoit une relance de l’importation à travers l’ouverture conditionnelle des agréments aux concessionnaires historiques. Mais les critères restent flous : aucun quota n’a été communiqué, ni les mécanismes de financement ou de répartition régionale. Le sentiment dominant à Alger dans le sillage de la décision au sujet des agréments des concessionnaires est que le dinar convertible dédié à l’importation de véhicules neufs va rester chiche. Les plus fortunés des citoyens devront de plus en plus compter surtout sur leur épargne en devises pour renouveler leur voiture
Sans calendrier clair, ni dispositifs incitatifs précis, cette annonce reste pour l’instant un signal politique, non un plan opérationnel. D’après Samir Yahiaoui, analyste au cabinet AutoPolis Consulting, « le problème n’est plus technique ou industriel. Il est politique. L’État ne tranche pas entre fermeture protectionniste et ouverture régulée ».
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