Le partenariat entre l’Algérie et Linde Gas vit ses derniers jours. Deux offres sont sur la table : une proposition de rachat par l’État algérien et, en face, un prix de sortie avancé par le groupe allemand. Les négociations sont bien avancées. Sauf retournement, un accord sera scellé dans les prochains jours, malgré un écart d’évaluation qui reste maîtrisable.
Un modèle de partenariat devenu une pomme de discorde
En 2007, l’arrivée de Linde Gas dans le capital de l’Entreprise nationale des gaz industriels (ENGI) — rebaptisée Linde Gas Algérie — était saluée comme un partenariat exemplaire. Public et privé, national et international, alignés pour moderniser une industrie stratégique.
Linde prend 66 % des parts, l’État gardant les 34 % restants. Un pacte d’actionnaires solide est signé, 50 millions d’euros d’investissement promis et un calendrier ambitieux. Pendant un temps, le partenariat fonctionne.
Mais dès la fin des années 2010, le climat se dégrade entre les deux parties. L’Algérie reproche à Linde de ne pas tenir ses engagements : plusieurs projets annoncés n’ont jamais vu le jour. En 2019, l’État passe à l’action : les dividendes destinés à Linde sont bloqués. Plus aucun bénéfice n’est rapatrié. De son côté, Linde assure avoir respecté sa part du contrat, mais dénonce un manque de visibilité et une stratégie locale incompatible avec la sienne.
La crise de l’oxygène : point de rupture
Cette tension atteint son paroxysme avec la pandémie de 2020. Alors que les hôpitaux algériens manquent cruellement d’oxygène médical, Linde Gas Algérie, pourtant leader national, ne suit pas. Sa production augmente de 33 %, mais reste insuffisante. Cet épisode fait l’effet d’un électrochoc : dépendre d’un acteur étranger pour un bien aussi vital devient inacceptable aux yeux des autorités.
Le conflit commercial vire à une affaire d’État. La souveraineté industrielle devient une priorité absolue. La rupture avec Linde devient dès lors inévitable.
Une séparation coûteuse… et risquée
Le départ de Linde envoie un signal fort, mais pas forcément rassurant. Le groupe est, en effet, un géant mondial, bien implanté au Maroc, en Égypte et en Tunisie. Son retrait d’Algérie pourrait refroidir d’autres investisseurs, au moment même où le pays tente de redevenir attractif.
Ce partenariat devait être une vitrine. Il se termine en contentieux. Et révèle, en creux, les failles structurelles des montages public-privé quand les trajectoires se désalignent.
Entre souveraineté industrielle et modernisation technologique
L’Algérie veut reprendre la main. Des entreprises locales comme RayanOx ou Sidal Gas montent en puissance. Hélios, la filiale gaz de Sonatrach, étend son champ d’action. L’ambition est claire : bâtir une filière nationale capable de tenir, même en temps de crise.
Mais l’équation reste cependant complexe. La souveraineté ne suffit pas. L’industrie algérienne a encore besoin de savoir-faire et de technologie. Le vrai défi commence ici : construire une autonomie industrielle sans sacrifier l’efficacité ni l’innovation.