Dans Le Fil Rouge, Elisa Biagi porte sur les planches une histoire familiale qu’elle a « métabolisée » longtemps, tout au long des rencontres avec ses grands-parents, oncles, tantes et cousins où les récits sur la guerre de libération, la dure condition des colonisés et la politique algérienne ont meublé les discussions. Le récit est fortement biographique, Elisa Biagi est la petite fille de Nna Nouara et d’Abdelhafidh Yaha, dit Si Lhafid.
Dans Le Fil Rouge, mis en scène par Anaïs Caroff, Elisa Biagi a choisi de sublimer le lien qu’elle a tissé avec sa grand-mère, dont elle interprète le rôle. Dans une mise en scène sobre, mais ciselée, Elisa enfile la robe de sa grand-mère pour égrener l’histoire de Nouara, jeune mariée, à peine seize ans, en pleine guerre de libération et déjà porteuse d’indicibles secrets, d’amour et de politique avec son jeune époux et un peu plus tard de toute la douleur vécue par les femmes restées au foyer quand leurs hommes ont pris le maquis.
A un moment, Nouara raconte que les soldats obligeaient les femmes à reconstruire les routes sabotées par les moudjahidines. Elle évoque l’image de ces femmes qui portaient de grosses pierres qui ne pesaient plus qu’elles.
C’est dire la force qu’elles portaient en elles et qu’Elisa veut montrer encore aujourd’hui, pour dire le besoin qu’elles ont en ; et pour montrer aussi le poids de tout ce qui reste encore à dire sur ce que les femmes ont vécu pendant la guerre de libération et qui reste encore à apporter à la lumière. C’est une volonté qui est sensible chez Elisa Biagi qui est attentive à l’idée d’un projet pour élargir le récit de Na Nouara.
Dans cet entretien, Elisa Biagi raconte comment l’histoire de sa grand-mère est devenue une pièce de théâtre, mais surtout un travail de mémoire pour sauvegarder l’esprit d’un combat pour la liberté dont on perçoit autant dans la voix et les projets d’Elisa que dans l’évocation de Na Nouara qu’il est encore en cours.